• A pied et le parapluie à la main, je quitte mon logis dimanche matin tôt, passe la Seine et rejoins le quartier Saint-Julien où, malgré le temps menaçant, on déballe du rond-point de l’église jusqu’à feu l’Exo Sept et un peu sur les côtés.

    J’aime l’ambiance de ce quartier populaire où je n’ai guère l’occasion d’aller en temps ordinaire et espère trouver de quoi me satisfaire.

    C’est assez vite fait. Pour cinquante centimes pièce, j’emporte Les vieilles putes et Du côté des violés de Copi (Dargaud) et pour un euro, Petite histoire de l’enseignement de la morale à l’école de Michel Jeury et Jean-Daniel Baltassat (Robert Laffont).

    Ne me reste plus qu’à rentrer avant l’averse.

    *

    Cette Petite histoire de l’enseignement de la morale à l’école m’intéresse par ses nombreux extraits de livres d’écolier. Deux exemples :

    Les paresseux ne sauraient être classés parmi les vivants : c’est une espèce de morts qu’on ne peut enterrer. L’Education morale et civique à l’école (Brémond et Moustier, Librairie Delalain, mil neuf cent huit – mil neuf cent vingt-neuf)

    Mais gardons-nous de confondre les écrivassiers qui surexcitent les passions basses, avec les penseurs désintéressés. La Morale à l’école (Jules Payot, Librairie Armand Colin, mil neuf cent vingt-cinq)

    *

    Tu préfères Joly ou Hulot ? Tu préfères Hollande ou Aubry ? Tu préfères Mélenchon ou Tartempion ? Tu préfères Converse ou Nike ? Je ne porte ni l’une ni l’autre.

    *

    J’ai beau cliquer sur le papillon de nuit posé sur l’écran de mon ordinateur, pas moyen de le faire décoller.

    *

    En revanche, quand je clique sur « Je pars en vacances », ça marche. Direction, le pays des cerises, des cigognes, du vin blanc et de Tomi Ungerer. Hasard bienvenu, j’ai trouvé ce lundi au Rêve de l’Escalier Propaganda (Histoire de se souvenir, Sammeln gegen das Vergessen), ouvrage publié par La Nuée Bleue, qui présente la collection d’affiches, photographies et objets nazis qu’Ungerer a déposée au Conseil Général du Bas-Rhin.

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  • Vendredi, en fin d’après-midi, je vais à pied de Beaubourg à l’Espace Commines (rue du même nom). Elle n’est pas encore là quand j’arrive un peu avant dix-huit heures, occupée par le travail (celui d’après les études). Ses semblables sont présent(e)s, prêt(e)s à parler de leurs projets ici présentés, réalisés en vue du diplôme récemment reçu. Sûr que je ne serais pas venu si ce n’était pour elle et je suis content d’être là car c’est pour elle.

    C’est la première fois que l’Ecole Boulle, à l’initiative des éléves, participe aux Designer’s Days. Cela montre que lorsqu’on est submergé par le travail scolaire, on peut en faire encore plus, et volontairement, sans que quiconque vous ait demandé quoi que ce soit. Chaque élève a son panneau d’explication et sa table à maquettes. Au centre de l’Espace se trouve le bar tenu par des promoteurs du vin de Loire, mécènes de l’évènement.

    Elle arrive. Après avoir sauté dans mes bras, elle m’explique un peu mieux. Nous faisons le tour des projets, parmi lesquels certains que je trouve effrayants. Ce désir de faire le monde meilleur frôle parfois le meilleur des mondes. Le commentaire souvent me hérisse le poil, ainsi quand il est question du nourrissage des vieilles et des vieux : « Une fois par semaine, les personnes âgées d’un même pôle se rendent chez un bénéficiaire dépendant afin de prendre leurs repas ensemble, fédérés par l’employée de mairie. » (de quoi se flinguer).

    Un Boullien s’intéresse à « la mise en tension du corps dans le contexte du travail ». Il a inventé une sorte de boudin souple. Ce boudin fait portemanteau en hauteur et permet au travailleur de s’étirer le matin lorsqu’il accroche son vêtement. Il fait ensuite cercle « pour plus d’efficacité » entre les ventres de deux collègues lors d’une micro réunion puis on le retrouve passé derrière le dos de la travailleuse pour un moment de relâchement dynamique. Il sert aussi d’appui aux avant-bras sur le bureau. Je ne vois pas qui pourra acheter ça maintenant que l’Union Soviétique n’existe plus.

    Une Boullienne a quant à elle découvert que « la prison est un milieu fermé qui soumet le détenu à de nombreuses contraintes ». Heureusement, le bar est ouvert.

    Elle et moi, on commence par le vin rouge. Des élèves filles d’autres sections font les serveuses de petits fours, lesquels sont confectionnés à base d’un vrai cantal. Rien de mieux que le terroir pour mettre un peu d’humain dans ce monde. Je fais la rencontre de son père.

    Le micro joue des tours au moment des discours. Cela n’empêche pas Christophe Hespel, le proviseur, de se réjouir de la première participation de son Ecole aux Designer’s Days grâce à une promotion exceptionnelle, celle de l’an prochain le sera aussi, dit-il. Celles et ceux qui en font partie devront organiser la deuxième participation. Elles et eux peuvent remercier leurs camarades d’avoir montré qu’on pouvait encore travailler après le diplôme.

    Je ne sais plus à combien de verres de vin rouge j’en suis quand je change pour le blanc moelleux, malheureusement je dois partir avant qu’apparaissent les macarons. Nous nous disons au revoir et à bientôt, pour les vacances.

    Une voiture de luxe marquée Parcours Designer’s Days passe rue Commines mais pour moi c’est le métro Filles du Calvaire.

    *

    Dans le train du retour, je lis Henry Miller ou le diable en liberté d’Erica Jong en Livre de Poche. Première rencontre entre elle et lui : Il y eut le bruit mat d’un martèlement caoutchouté venant d’un vestibule voisin, et Henry apparut, voûté sur un ambulateur en aluminium dont il semblait user comme d’un bouclier.

    -Salut ! dit-il de sa voix pleine des graviers qu’y roulait l’accent du « p’tit gars de Brooklyn ».

    Il était vêtu d’un pyjama et d’un vieux peignoir de bain, chaussé de pantoufles en tapisserie et muni d’un appareil de correction auditive. Image d’un vieil homme, mais aux yeux jeunes.

    *

    Se multiplient à Rouen les sacs verts destinés à recevoir les déchets de la rue. Le parvis de la Cathédrale en est maintenant cerné. « Rouen ville propre » est-il écrit sur chaque sac. Plus cette ville est sale, plus on la clame propre.

    Toujours aussi inesthétiques ces réceptacles, trop verts et au support mastoc, l’équivalent à Paris passe inaperçu.

    Le sac plastique rouennais ne s’arrange pas quand le passant y jette ses déchets. Il ressemble alors à un préservatif usagé.

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  • C’est pour rejoindre en fin d’après-midi celle qui termine ses études à Paris que je prends le train vendredi matin, évitant les voitures emplies de scolaires en vadrouille. Le métro me mène ensuite place de la Bastille. Avant l’ouverture de Book-Off, je descends vers le jardin de l’Arsenal. Une barrière en interdit l’entrée. Chacun(e) fait comme si elle n’était pas là. Au bord du canal, je croise un homme qui annonce à un autre que les plongeurs sont en train de chercher. J’aperçois un Zodiac de la Préfecture de Police au-delà de l’écluse. Dans celle-ci s’engage le Danny, bateau immatriculé à Zwijndrecht, où s’active un couple de retraités. L’idée me vient de leur demander de m’emmener jusqu’à je ne sais quelle ville d’où je reviendrais à Paris en train. Je ne le fais pas, vais boire un café au Rallye. Chez Book-Off, rien d’excitant.

    Après un menu vapeur, je rejoins Châtelet à pied, saluant au passage la statue de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Place Joachim-du-Bellay, je fouille chez Mona Lisait. A côté, des syndicalistes disent dans un micro tout le bien qu’on peut penser de Pizza Hut dont les employé(e)s sont en grève pour le sixième ouiquennede consécutif. Devant la pizzeria, on peut lire « Pizza Hut Pizza Honte Pizza Lutte ».

    Un peu partout dans les rues, une affichette montre la photo d’un scouteur accompagnée d’un « Perdu mon nouveau Vespa, aidez-moi à le retrouver ». Des pompiers près de leur camion rouge tentent de placer des billets de tombola. Un homme fait des bulles géantes. J’entre au Centre Pompidou où, niveau moins un, je profite du Photomaton gratuit le temps d’un portrait en noir et blanc. Derrière moi, la machine de JR fonctionne à plein. Un jeune homme récupère sa photo géante et la montre à sa fiancée. « Moi, je vais donner ça à ma maman » lui dit-il. Voilà à quoi sert le projet Inside Out.

    Je prends la chenille sonorisée de musique indienne et vais revoir la collection permanente. Deux salles sont consacrées l’une à Paul Strand l’autre à Dado. Côté Strand, je songe à la photo qui n’y est pas, ce portrait fascinant intitulé Jeune Homme dont Michel Boujut (qui vient de mourir) rechercha le modèle et en fit un livre Le jeune homme en colère publié chez Arléa. Côté Dado, mort en deux mille dix, je note les titres des quatre grandes toiles fantastiques Le massacre des innocents, Le diptyque d’Hérouval, La grande ferme et L’école de Prescillia. Je ne sais s’il y a une Prescillia parmi les pauvres trois quatre ans que l’on traîne de tableau en tableau, doivent en reconnaître un détail, dire ce qu’il y a à voir et hop au suivant avec moult « chut » et « ne touchez pas ». « Courage, on a bientôt terminé » entends-je d’une des accompagnatrices au moment où je redescends.

    Je bois un café à La Mezzanine pendant que dehors ça drache. A travers les vitres, je regarde une fille qui danse rudement bien sous l’avancée. A l’heure de la sortie des classes, je suis dehors. La pluie a cessé. Les moutard(e)s de l’école Saint-Merri ont dans les mains un pot de fleurs en papier. C’est papa qui va être content.

    *

    La légende d’une photo de Paul Strand Pitch Forks and Lantern traduite par Foudre et lanterne. Il n’y a pas que les langues qui fourchent au Centre Pompidou.

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  • Mercredi matin, en chemin pour la gare, rue de la Jeanne, je croise l’un des doux dingues de Rouen, celui qui lance à quiconque et donc à moi « Bonjour monsieur, je vous souhaite une bonne journée ». Un voyage sans histoire et me voici à Paris dans le Quartier Latin à fouiller chez Boulinier et les Gibert, avec en tête mes deux rendez-vous : midi, Sèvres-Babylone, sortie rue de Sèvres, déjeuner avec celle qui travaille pour deux semaines dans la capitale et quatorze heures trente, galerie Martine Gossieaux, rue de l’Université, revoyure de celui qui est devenu directeur de collection chez Didier Jeunesse

    Vers onze heures, je me rapproche de la rue de Sèvres tout en cherchant un restaurant inspirant quand un « Psst psst » m’interpelle. Je me retourne craignant l’importun et découvre celui que je devais retrouver plus tard, pas revu depuis son départ de Rouen il y a plusieurs années. Il a rendez-vous dans le coin. Nous nous confirmons le nôtre.

    La frontière entre le sixième et le septième arrondissements manque de restaurant comme on les aime. Quand elle arrive, fatiguée par de multiples activités, c’est dans une vulgaire brasserie face à l’Hôtel Lutétia que nous mangeons une fade blanquette de veau. Ensuite, il nous est quasiment impossible de trouver une boulangerie. Nous en dénichons une aux prix prohibitifs près de Saint-Sulpice et bientôt mangeons quelques financiers sur un banc devant une boutique Yves-Saint-Laurent. Je lui parle de deux grossesses (comme on dit) apprises la veille, le genre de nouvelle qui ne me réjouit pas.

    A quatorze heures trente, je suis devant la galerie Martine Gossieaux quand je vois arriver Loïc Boyer. Nous sonnons, nulle réponse. Il renonce à l’exposition qu’il voulait voir et nous allons prendre un verre pas loin en terrasse, évoquant ses nouvelles fonctions et nos petites vies dans nos villes de province  respectives, contents de nous retrouver.

    En fin d’après-midi, je suis chez Book-Off  où il y a toujours livres à découvrir, ce qui fait que je rentre à Rouen avec quelques curiosités : Voyageurs excentriques de John Keay (Payot), Histoires anglaises de Sade, Florian et Baculard d’Arnaud (Zulma), Judas ou le Vampire surréaliste d’Ernest de Gengenbach (Cartouche), Smara (carnets de route d’un fou du désert) de Michel Vieuchange (Phébus libretto) et Rue des Maléfices (chronique secrète d’une ville) de Jacques Yonnet (Phébus libretto).

    *

    Dans le métro parisien ce mercredi matin, un jeune homme est coincé par une contrôleuse :

    -Vous me dîtes que vous allez passer un examen et ensuite vous me dîtes que vous n’avez pas vos papiers d’identité sur vous !

    De l’intérêt de réfléchir avant de parler.

    *

    Un qui ne veut pas avoir d’ennuis avec les contrôleurs, c’est moi. M’étant aperçu que mon billet m’imposait un retour par le train de dix-neuf heures cinquante, j’en achète un autre pour celui de vingt et une heures vingt. Je fais bien car je suis contrôlé peu avant Rouen alors qu’il n’y a presque plus de voyageurs (la plupart à cette heure-là descendent à Mantes, Vernon et Val-de-Reuil).

    Les contrôleurs attendent toujours que ces trois gares soient passées pour faire leur boulot, pas courageux (dans les deux sens du mot).

    *

    Lecture dans le train de Philobiblon ou l’amour des livres de Ricard de Bury (traduit du latin par Etienne Wolff), livre publié chez Anatolia/Le Rocher. Extrait :

    Chaque jour notre noblesse est rabaissée par des compilateurs, des traducteurs, des adaptateurs, qui nous donnent de nouveaux noms d’auteurs ; en quittant notre antique noblesse pour renaître sous des formes multiples, nous dégénérons complètement ; on nous impose contre notre gré la signature d’un vil parâtre, tandis qu’on retire aux fils le nom de leur vrai père. C’est ainsi qu’un faux poète a usurpé des vers de Virgile alors que celui-ci vivait encore, et qu’un certain Fidentinus s’est attribué fallacieusement des livres de Martial, qui riposta par ces mots :

    Le livre dont tu donnes lecture, Fidentinus, est de moi :

    mais tu le lis si mal qu’il commence à être de toi.

    *

    Jeudi matin, je suis face à mon conseiller bancaire (comme il se nomme lui-même). Il a voulu me voir. De l’argent rentre suite au décès de mon père. Je lui dis que tout ce qu’il me propose m’apparaît douteux, forcément dans l’intérêt de la banque et pas dans le mien. Qu’il me donne le chèque et basta. Ce qu’il fait, en me regardant comme on regarde les dingues.

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  • Dimanche matin, avec celle qui me rejoint le ouiquennede, je prends la route jusqu’à Andé, village de l’Eure. Entre l’église et le château, nombre d’exposant(e)s ont déballé leur marchandise d’occasion. On y trouve quelques livres et des paires de chaussures, une veste pour elle.

    Lundi, c’est moins loin, à Sotteville-lès-Rouen. Tout au long de la longue avenue du Quatorze-Juillet, autant d’exposant(e)s ont fait la même chose. On y trouve quelques livres et une paire de chaussures, une cafetière pour moi.

    Dans les deux, on doit supporter la sonorisation. A Andé, l’habituel sosie de Nino Ferrer s’en charge, pas bien inspiré cette année, jouant le Père Flicard, menaçant les mal garé(e)s et les exposant(e)s qui laisseraient leurs rossignols traîner en fin de journée. A Sotteville-lès-Rouen, un inconnu à l’humour incertain fait de même et c’est cent cinquante euros la fourrière, répète-t-il sadiquement.

    Tu donnes un micro à un gugusse, le voilà transformé en dictateur de vide grenier.

    *

    Je ne sais où est la vérité dans l’affaire Ahmed Merghoub accusé de harcèlement moral par des employé(e)s du Hangar Vingt-Trois. Une certitude : le Tribunal Administratif a déclaré injustifiée sa mise à pied et sévèrement critiqué son accusatrice et son accusateur. Madame le Maire de Rouen a néanmoins refusé de le réintégrer et a nommé son remplaçant, un certain Sébastien Lab. Première déclaration dudit à Paris Normandie :

    « C'est un choix, j'arrête le festival RamDam. Il fallait une identité à cette nouvelle programmation. Le Hangar 23 est un lieu de musique et de danse. Mon objectif, s'ouvrir au théâtre, au cirque, au jeune public et à la magie. L'idée, pour être cohérente, c'est de défendre des formes nouvelles, originales, différentes. Il faut que ça bouge ! »

    Remplacer RamDam par cirque, magie et autres fariboles, c’est consternant et complètement dans la ligne socialo-écolo-communiste municipale (culture populaire et distractions inoffensives, tu t’amuses, tu travailles, tu consommes).

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  • Samedi soir après avoir tôt fêté le retour de celle qui me tient la main, je prends avec elle le chemin de l’Opéra de Rouen où l’on donne concert. J’ai une place de choix en corbeille. Elle en obtient une, pas bien loin, contre cinq euros. Beaucoup d’abonné(e)s sont absent(e)s. Nous sommes bientôt assis l’un à côté de l’autre.

    Les cordes de l’Orchestre prennent place et entre le chef Antony Hermus.

    -Il est replet, me dit-elle.

    La soirée commence avec l’Idylle pour orchestre à cordes de Leos Janacek, un œuvre qui plaît beaucoup à celle qui m’accompagne, puis les cordes ayant été rejointes par les autres instruments, le chef à la déambulation incertaine revient accompagné de la soprane Elodie Kimmel pour neuf Chantefleurs et chantefables de Robert Desnos mises en musique par Witold Lutoslawski, lesquelles me rappellent l’école maternelle.

    Elodie Kimmel et Antony Hermus sont fort applaudis.

    -J’adore ce chef, me dit ma voisine. Il est exactement ainsi que j’imagine un Leprechaun, en plus grand.

    -Ce n’est pas étonnant, lui dis-je, il a dirigé l’Orchestre National d’Irlande.

    Après l’entracte (petite cigarette en terrasse), c’est l’Adagio pour orchestre de Leos Janacek puis la Symphonie numéro cinq en fa majeur d’Antonin Dvorak, énorme machine qui emporte l’adhésion du public et achève brillamment bruyamment la saison de l’Opéra de Rouen.

    A la sortie des artistes, le chef d’attaque des seconds violons hèle le chef d’attaque des premiers violons qui s’éloigne à grands pas, son instrument sur le dos :

    -Bonnes vacances, Bob !

    On y songe également, aux vacances.

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  • Alléché par la promesse d’une Grande Foire à Tout (comme il est affiché) rue Cauchoise, je me lève tôt samedi matin et, par la rue du Gros déserte, atteins une réalité bien différente. Il est sept heures, cinq exposant(e)s sont présent(e)s. D’éventuel(le)s client(e)s errent dépité(e)s. Je remonte et descends la rue plusieurs fois, pour rien, tandis que se présentent quelques arrivant(e)s mené(e)s jusqu’à leur emplacement par deux jeunes femmes vêtues d’un ticheurte marqué « Staff Association Commerçante Cauchoise ». Je n’ai malheureusement pas dans la poche le feutre qui me permettrait de remplacer ce fautif Commerçante par un correct Commerciale.

    Je croise Adji, l’ancien bouquiniste de la rue Bouvreuil à qui je demande ce qu’il fait dans ce désert. « Il n’y a personne » me dit-il, aussi déçu que moi.

    Quand je quitte les lieux vers huit heures une quinzaine de vendeurs et vendeuses sont là. Je rejoins la rive gauche pour me ravitailler en fruits et légumes au marché des Emmurées, repasse rive droite, fais un tour au marché du Clos Saint-Marc où j’achète les dernières pommes de Jumièges de la saison, passe chez Marché Plus rue Orbe et retourne rue Cauchoise.

    La Grande Foire à Tout bat son plein, trente-cinq exposant(e)s en comptant large, les trois quarts des emplacements prévus sont inoccupés, de quoi être modeste par voie d’affiche l’an prochain.

    *

    Ce samedi dans les rues de Rouen, l’affichette de Paris Normandie titre « Le Rouen Le Havre bloqué sur la voie ». Qu’un train soit bloqué ailleurs que sur la voie serait une information.

    *

    L’après-midi, je snobe la Gay Pride pour la raison première que celle avec qui j’y serais allé n’arrive qu’à seize heures et pour la raison seconde que je n’en aime pas le slogan « En 2011 je marche. En 2012 je vote. » Je vote si je veux, okay.

    Je la regarde néanmoins passer rue de la Rép, pas plus de monde que l’an dernier dont beaucoup de branlotin(e)s qui gigotent derrière les discos mobiles comme dans la légende allemande et qui ne voteront pas l’an prochain.

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  • Obligé d’être tôt à l’Opéra de Rouen ce vendredi soir, j’observe le désordre qui règne devant les portes où sont avachis de jeunes ivrognes répandant autour d’eux les reliefs de leurs libations et de leurs repas. Juste avant l’ouverture des portes, trois employés de la maison en sortent, munis de pelles à déchets et de balais, et se coltinent le nettoyage cependant que les avachis vont s’écrouler sur un banc un peu plus loin.

    Je me poste à l’entrée de la salle côté jardin car je veux la meilleure chaise au plus près de la scène pour le concert d’Alexandre Tharaud et je l’ai. D’autres bientôt m’entourent qui se réjouissent de voir les mains du pianiste.

    En attendant son arrivée, on consulte le programme et derrière moi on papote :

    -Elle, il faut qu’elle fasse attention, elle a la morphologie pour grossir.

    -Oui, et puis j’ai regardé sa mère. Et Vincent, il grossit aussi. Il fait du sport ?

    -Il fait du théâtre.

    Alexandre Tharaud n’a pas ce souci. Il arrive semblable à lui-même, aussi mince qu’il était l’an dernier, s’assoit et entre dans la Rosamunde de Franz Schubert comme s’il se jetait dans la piscine du haut du plongeoir (la transcription est de lui-même). Il enchaîne avec les Variations d’Anton Webern puis trois des Préludes de Claude Debussy. J’observe de près la course de ses mains et ses mimiques inspirées.

    Après l’entracte, il donne la Fantaisie en sol mineur, trois Bagatelles et la Sonate numéro trente de Ludwig van Beethoven. A l’issue de chaque interprétation, de multiples bravos et un bon lot d’applaudissements saluent la performance. Alexandre Tharaud se lève en prenant appui sur son instrument, comme revenu d’ailleurs, et salue, des cernes sous les yeux.

    Rappelé trois fois, il offre des sonates de Scarlatti dont il fait chanter le nom à l’italienne et puis il disparaît. Je ne crois pas qu’on le reverra de sitôt à Rouen, c’est bien dommage. Les chanceux sont les habitants de Grenoble et de Saint-Etienne où il sera en résidence pour les deux années à venir.

    *

    Tragique destin que celui d’Anton Webern, persécuté par les nazis puis abattu par un soldat américain alors qu’il sortait de chez lui après le couvre-feu (dans des circonstances qui prêtent à discussion).

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  • Invité par Véronique Simon-Loudette « Too Much Class » à participer au "Shoot me up in the Backstage Room », j’entre vendredi un peu avant dix-huit heures trente à l’Hôtel de l’Europe, rue aux Ours. Jamais encore je n’ai mis le pied dans cet hôtel rouennais. J’y suis accueilli par ses souriants propriétaires Emmanuelle et Georges-André Piat. Bientôt Véronique arrive. Elle m’explique qu’il s’agit de se faire photographier par Marie-Hélène Labat dans la très rock’n’roll chambre « Backstage ». Les photos feront peut-être exposition.

    En attendant mon tour, je regarde les autographes encadrés des artistes qui sont passé(e)s par là, dont Miossec, et boit un verre de bordeaux blanc offert par la maison.

    Quelques minutes plus tard, je suis jusqu'au troisième étage un jeune homme et une demoiselle au regard vif dans l’escalier relouqué par Ecloz (grapheur local). La chambre « Backstage » est la trois cent six. En sort celui qui m’a précédé, directeur d’une salle de spectacles de l’agglomération, à qui je dis bonjour, puis je salue Marie-Hélène Labat. Elle me fait visiter la chambre et ses commodités, une belle pièce en rouge et noir, au lit confortable et au canapé profond, de quoi écouter de la bonne musique et en faire, une rampe de projecteurs est à disposition. Je manque de temps pour voir ça en détail.

    Où je souhaite être photographié ? Je n’en sais fichtre rien et me demande si j’ai bien fait d’arriver jusque-là. Il faut croire que j’aime me mettre dans des situations où je suis mal à l’aise. Je demande s’il y a quelque part dans cette chambre un livre. Eh bien non, les musicien(ne)s ne lisent pas. Je repousse le magazine de télévision que me propose Marie-Hélène Labat et m’assois au coin du lit, regardant ailleurs et prenant soin de ne pas sourire.

    -Une dernière, me dit celle qui appuie sur le déclencheur, regardez-moi en souriant.

    Elle semble un peu plus satisfaite. On va encore me dire que je souris toujours sur les photos.

    Je redescends, reprends mon verre tandis qu’arrivent plusieurs membres de la scène musicale rouennaise prêts à se faire tirer le portrait dans la chambre des artistes. C’est hélas le moment où je dois partir, attendu à l’Opéra voisin où Alexandre Tharaud donne concert.

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  • Ayant appris que Roland Castro venait présenter son Grand Paris ce jeudi soir à l’Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Normandie (plus connue sous le nom d’Ecole d’Architecture de Rouen), j’en prends le chemin à pied longeant le Robec où s’ébrouent moult familles de canards.

    Arrivé en avance dans l’ancienne usine Fromage, j’observe le ballet des étudiant(e)s dans le double escalier métallique qui permet d’accéder aux étages, regrettant que les filles ne soient pas en jupe. Un homme sans doute professeur m’interpelle :

    -On se connaît d’où ? Beaux-Arts, non ?

    On ne se connaît pas, lui dis-je. Comme je ne reconnais quiconque qu’après l’avoir vu dix fois, je n’en suis pas sûr.

    Lorsque quelques futur(e)s architectes s’installent dans le Grand Amphithéâtre petit et inconfortable, je fais de même, choisissant une chaise en plastique plutôt qu’une banquette en bois dur. De nombreux vieux et vieilles arrivent qui semblent se connaître. L’autre moitié de la salle est constituée des élèves. Quelques architectes en activité sont également présent(e)s, comme en surnombre.

    Quand arrive en costume rayé Roland Castro, j’ai la surprise de le découvrir accompagné d’Albert(tiny), l’ancien Maire de Rouen, pas revu depuis sa défaite. Je comprends alors que les vieux et vieilles ne sont pas des architectes à la retraite mais les membres de son Université Populaire (une Université du Troisième Age qui ne dit pas son nom). Fabienne Fendrich, directrice de la maison, les accueille.

    Roland Castro prend place devant une image rétro projetée de son travail et Albert (tiny) introduit le sujet par le petit bout de la lorgnette, évoquant les risques que ferait courir ce Grand Paris au village dont il fut le premier magistrat. L’invité évacue la question et parle de l’essentiel, de ce Paris qu’il élargit à vingt kilomètres de rayon et dont il veut faire « une métropole égalitaire de dix millions d’habitants ». Il parle de la panique climatique qui rend nécessaire une ville serrée et intense, rend hommage à Haussmann « penseur de l’égalité urbaine », critique « l’urbanisation aménageuse des villes nouvelles ».

    Castro indique que sa grande ville a besoin de symbolique, de réel et d’imaginaire. Il évoque la possibilité de créer des bipolarités de type Versailles Paris avec d’autres villes aujourd’hui délaissées, d’envoyer les Ministères en banlieue, de construire en zone inondable, d’envisager des immeubles de grande hauteur (tripler par exemple la Tour Montparnasse pour enfin l’intégrer dans le paysage), s’énervant de temps à autre contre les écolos et leurs dogmes du développement durable et du respect de la biodiversité.

    -On est dans un pays qui traite mieux ses oiseaux que ses Arabes, s’emporte-t-il.

    Castro demande à Albert combien de temps il lui reste. Pas beaucoup, il entre dans le détail de son projet. En dix minutes, les images se succèdent sur l’écran, pas le temps d’y voir ni d’y comprendre grand chose. C’est l’heure des questions. La première est posée par une architecte qui veut savoir ce que Roland Castro compte faire du périphérique. Celui-ci croit qu’il s’agit de limites de son Grand Paris et évoque une ceinture végétale. Albert, qui a compris la question, la repose.

    -Une autre équipe a travaillé sur le sujet, répond Castro, il sera enterré.

    Fastoche, me dis-je. Deux autres questions suivent dont l’une est une petite défense des écolos. « Quand on me parle d’éco quartier, répond Castro, je dis : faites d’abord le quartier et rendez-le éco ». C’est bien mon avis.

    Il est l’heure d’arrêter, décrète l’organisateur qui invite son Cleube du Troisième Age à s’inscrire pour une virée Cézanne et Sénat à la rentrée.

    A la sortie, on sert une boisson dans des gobelets en plastique avec de cacahuètes et des chips. Je m’en passe et traverse le parc de l’Ecole par le chemin qu’ont tracé les pieds des élèves à travers la pelouse.

    *

    En parallèle avec celle de Castro, neuf autres équipes ont travaillé sur le sujet, de quoi faire un vraiment bien beau Grand Paris qui ne verra sans doute jamais le jour, me dis-je en redescendant vers le centre de Rouen en Teor.

    *

    Roland Castro à propos de Le Corbusier : « un immense artiste et un criminel urbain »

    *

    Lui aussi croit que l’école est obligatoire depuis Jules Ferry. L’instruction, Roland, pas l’école, on peut très bien instruire ses moutard(e)s à la maison ou par cours particuliers plutôt qu’à l’école.

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