• C’est donc là qu’il faut être ce soir ? dis-je à celui que je vois arriver un peu avant dix-huit heures trente place de la Calende où doivent jouer The Buttshakers ce dernier jeudi des Terrasses. Il n’en sait rien, me répond-il et est plutôt là par élimination des autres propositions, comme moi.

    -Alors, on vient profiter de la gratuité ? me dit un autre qui me présente l’une de ses filles.

    -Comme tous les parasites, lui réponds-je.

    On pourrait croire que je connais du monde. Le second et sa fille ne restent pas longtemps. Le premier, après avoir fait un bond en avant lors de l’arrivée sur scène de la chanteuse, passe la marche arrière.

    -C’est une voiture de course cette chanteuse, me dit-il, le problème, c’est les musiciens.

    Je pense comme lui : « Ils roulent au mélange deux temps ».

    Ces cinq musiciens sont habillés comme les missionnaires américains de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours que je croise régulièrement près de chez moi. La chanteuse porte une jupe courte. Elle est Américaine. Ils sont Français. C’est peut-être là le problème.

    J’écoute d’une oreille ces Buttshakers dont la musique penche vers le passé et regarde un peu partout : derrière moi la Cathédrale ensoleillée, à ma gauche la flèche blanche de l’église Saint-Maclou, à ma droite la tour parallélépipèdique des Archives, devant moi le public partagé en deux lots (ceux qui boivent installés aux tables du Café de la Flèche et les autres debout autour).

    Quand Ciara, la chanteuse, annonce un concours de touiste, je m’en vais. Sept heures n’ont pas fini de sonner à la Cathédrale que je suis chez moi où me parviennent par la fenêtre ouverte des bribes de Buttshakers.

    Trois heures plus tard, je repars profiter de la gratuité. Susheela Raman est l’invitée du concert de clôture de ces Terrasses du Jeudi deux mille onze. Je l’ai déjà vue au Hangar Vingt-Trois, il y a un certain nombre d’années, quand elle était au début et au faîte de sa gloire.

    Place Saint-Marc, sans voir quiconque de ma connaissance, je me place à proximité de l’enclos destiné au parquage des handicapé(e)s. Cette réserve est bientôt occupée par deux bancals et la famille de l’un d’eux, puis par des intrus pas du tout handicapés. Enfin arrivent deux hommes en fauteuil, les seuls conformes au pictogramme figurant sur le lieu de leur ségrégation. Je ne sais pas ce qu’ils verront. Le concert debout multiplie d’ailleurs les handicapé(e)s : il suffit de faire moins d’un mètre quatre-vingts pour n’y voir pas grand-chose.

    Le public est relativement nombreux quand, à l’heure dite, arrivent la chanteuse et ses quatre musiciens, un violoniste, deux percussionnistes et un guitariste. Elle commence par une mélopée un peu longuette puis enchaîne ses chansons récentes en tamoul ou en anglais, disant parfois quelques mots en français pour les présenter. Cela n’est pas désagréable et je la trouverais sympathique si elle ne s’obstinait pas à demander à grands gestes davantage d’applaudissements.

    Devant moi se trouve une cellule familiale, mère, père et deux grands garçons. Cela devrait être interdit de ressembler autant à son père. Ces deux branlotins jouent les émancipés, le père essaie de montrer qu’il est resté jeune, la mère est effacée. Parfois passe entre nous un groupe de jeunes gens en route vers les premiers rangs, garçons à la queue leu leu, filles suivant pareillement, avec la dernière qui a peur de se perdre.

    Sur scène parfois le violoncelliste et l’un des percussionnistes font leur numéro cependant que Susheela se retire pour mieux revenir. Devant moi, la maman regarde sa montre (onze heures vingt), croise les yeux du papa, qui décrète le départ, il est temps de coucher les dadais. Tandis que la cellule familiale s’éloigne en bon ordre, je me rapproche un peu.

    A l’heure prévue (minuit), Susheela Raman annonce son dernier morceau, revient avec un bonus « une chanson douce pour bien dormir » puis invite avec insistance le public à acheter son cédé. C’en est fait de l’édition deux mille onze des Terrasses. Des camions arrivent pour le démontage du plateau et de sa superstructure. Que la place soit nette pour le marché aux aurores.

    *

    Levé à six heures ce vendredi, j’ouvre l’une de mes fenêtres donnant sur la ruelle alors qu’y passe un jeune homme en costume froissé. Le « Putain, quel fils de pute ! » qu’il laisse échapper ne m’est pas destiné. Les murs rapprochés de la venelle lui sont favorables. Cela se complique quand il tourne à gauche rue Saint-Romain où il manque se viander.

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  • La veille de mon départ pour Paris, mardi soir, celle qui cherche un travail et un logement dans la capitale (double défi) m’appelle pour me dire qu’elle a rendez-vous rue Casimir Delavigne chez un imprimeur pour son bouque, et qu’elle peut me retrouver à dix heures si je suis dans le quartier. Je modifie mon programme et lui donne rendez-vous devant le Gibert du haut, le bleu.

    Après un voyage sans incident en train dans une voiture privée d’électricité rendant la lecture difficile dans les tunnels, j’arrive à l’heure à Lutèce et fouille à dix heures dans les bacs à un euro de Joseph Gibert quand je la vois arriver, pimpante.

    Nous décidons de rejoindre le quai de la Seine et d’y manger tôt (elle a rendez-vous ensuite avec une architecte), ce que nous faisons vers onze heures devant le bateau des pompiers, regardant passer de jolies touristes qui ont cru être en été et se sont habillées pour et court, tandis que sur l’autre rive Paris Plage survit sous les nuages.

    Saumon fumé, asperges, roquefort et bananes figurent au menu par elle élaboré. Point de vin, suite de la journée oblige. Nous discutons de sa situation et aussi d’où coller ma maxi photo Inside Out. Elle me convainc d’en revenir à notre bonne idée de dimanche dernier et d’agir samedi prochain.

    Nous nous quittons au pied du Pont des Arts désormais orné des milliers de cadenas de couples proclamant leur amour éternel (nous n’y aurons jamais le nôtre). Je rejoins la rive gauche pour un tour de librairies qui m’amène près de la Bastille chez Book-Off où je ne trouve pas d’autre curiosité que Les 200 clitoris de Marie Bonaparte d’Alix Lemel (Mille et Une Nuits), mince ouvrage évoquant les rapports de ladite Marie avec Sigmund.

    Dans le train du retour à Rouen, je lis Smara (Carnets de route d’un fou du désert), récit par lui-même du voyage aventureux que fit Michel Vieuchange (présenté par Paul Claudel comme le frère d’Arthur Rimbaud et d’Isabelle Eberhardt) au début des années trente du vingtième siècle déguisé en femme dans le Maroc profond, une lecture qui finit par m’ennuyer.

    *

    A l’aller, un peu avant Paris, une annonce de la contrôleuse pour demander un médecin dans la première voiture. A l’arrivée, nouvelle annonce de la même pour remercier le médecin qui s’est déplacé. Le remerciement, seconde manie de la Société des Chemins de Fer Français (la première : l’excuse).

    *

    Chez Rue Quatre-Vingt-Neuf, un article intitulé JR, ses portraits XXL et son pot de colle en dix adresses : « Concrètement, Inside Out invite à placarder des visages en tout genre, par tout le monde, partout (…/…) dans un endroit qui recouvre une signification particulière pour vous. » écrit Aurélie Champagne.

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  • A mon retour de vacances, je trouve une lettre du Crédit Agricole signée « Votre directeur d’agence ».

    Il s’agit de mon abonnement à l’Opéra de Rouen, lequel est prélevé mensuellement sur mon compte depuis plusieurs années. Mon directeur d’agence, rue Jeanne-d’Arc à Rouen, m’apprend que « conformément à nos conditions générales de banque, qui vous ont été adressées, la mise en place de cette autorisation de prélèvement donne lieu à une facturation unique de 8.25 euros. »

    Mardi de la semaine dernière, je franchis la porte de cette agence bancaire et demande à une guichetière de quoi il retourne, pourquoi suis-je maintenant obligé de payer pour un prélèvement qui court déjà depuis de nombreuses années. Elle n’en sait fichtre rien. Elle fait des photocopies de mes documents. Elle va se renseigner et me téléphoner pour me dire ce qu’il en est.

    Elle ne me téléphone pas.

    Ce mardi, je pousse à nouveau la porte du Crédit Agricole de la rue de la Jeanne et tombe sur le même genre de guichetière ignorante. Comme je m’énerve un peu arrive un employé compétent. Il m’apprend qu’il s’agit d’une nouvelle réglementation commune à toutes les banques. Tous les prélèvements qui ne sont pas de première nécessité (eau gaz électricité) sont désormais taxés.

    -Si vous aviez un compte service, ajoute-t-il, ce serait gratuit.

    -Et je suppose qu’il est payant votre compte service, combien ?

    -Un peu plus de trois euros par mois.

    Je lui fais remarquer qu’il faudrait être simple d’esprit pour payer plus de trente-six euros par an pour économiser huit euros vingt-cinq.

    Je lui dis aussi que client du Crédit Agricole depuis quarante ans, je commence à en avoir marre de cette banque. Il me dit que les autres banques sont pareilles. Je le sais.

    -C’est pourquoi toutes celles de la rue Jeanne-d’Arc sont maculées de peinture à chaque manifestation, lui dis-je en lui souhaitant une bonne journée.

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  • Dimanche matin, avec elle qui me tient la main, après n’avoir rien acheté au marché du Clos Saint-Marc, je rejoins, par un portillon peu visible, le quai bas dévolu aux marcheurs, coureurs et pédaleurs. Un certain temps que nous n’avions pas longé la Seine. Celle-ci est semblable à elle-même, coulant paisiblement et portant sur son dos des bateaux petits et gros.

    Deux d’entre eux attirent nos yeux, un bateau de croisière fluviale immatriculé à Hambourg, dont les baies vitrées des chambres sont une aubaine pour les voyeurs, mais il n’y a que des vieux et des vieilles, et au loin, blanc dans le soleil, un bateau de croisière maritime qui nous fait aller jusqu’à la presqu’île Wellington.

    Pour nous en approcher, nous franchissons plusieurs enclos grillagés dont la porte est restée ouverte et où il est interdit d’entrer. Ce paquebot se nomme le Silver Cloud. Il est immatriculé à Nassau, capitale des Bahamas, paradis fiscal. Nous aimerions voir d’encore plus près l’immeuble flottant dont les appartements ressemblent à ceux des immeubles de Canteleu tels qu’ils apparaissent sur la colline en arrière-fond, aussi visiter les nouveaux bâtiments portuaires devant lequel il est amarré et dont j’ignorais l’existence.

    Une dernière barrière est ouverte. Des panneaux interdissent de franchir en anglais et en français. Nous entrons et sommes arrêtés par deux filles vêtues de noir logées dans une sorte de conteneur vitré.

    L’une nous dit que l’on n’a pas le droit d’entrer.

    -Je sais, lui dis-je, mais j’aurais bien aimé visiter ces bâtiments portuaires payés avec mes impôts.

    -Vous êtes dans une zone portuaire internationale, si vous étiez dans un aéroport vous n’auriez pas le droit d’aller sur les pistes, me répond-elle.

    L’argument est spécieux mais je n’insiste pas. Nous contournons les hauts grillages. Un drapeau américain, planté sur le quai, nous apprend la nationalité des passagers, des vieux et des vieilles. Ce glorieux étendard jouxte le conteneur des sacs poubelles, invisibles du bateau. Je regrette de ne pas avoir mon appareil photo.

    Nous prenons le chemin du retour, apercevant au loin un chien qui fait ses besoins sur la pelouse sans que son attaché à moustache juge utile de ramasser (« Bravo pour la merde du chien » lui crie celle qui m’accompagne) et croisons une bande de coureurs et coureuses à maillots jaunes marqués « Je vais jusqu’au bout de ce que j’entreprends ».

    -C’est aussi vrai pour les assassins, lui fais-je remarquer.

    -Et pour les violeurs d’enfants, me répond-elle.

    En cours de route, il nous vient à l’idée de coller ma photo de l’opération Inside Out de JR sur le socle de la statue de Corneille devant l’Opéra, ce qui à la réflexion n’en est pas forcément une bonne.

    *

    Dimanche soir, elle m’appelle des hauteurs de Rouen pour me dire que le prochain bus est dans quarante-cinq minutes. Elle décide de venir à pied et ne met que quarante minutes pour aller de Châtelet à la Cathédrale. Pas mal, surtout qu’elle s’est arrêtée en chemin pour aider un clochard vautré sur la route à se relever. Les automobilistes se contentaient de le contourner.

    *

    Mouette : variété urbaine de coq. Tous les matins, réveillé par les piaillements de ce volatile.

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  • Orange Mécanique est un film qui fascine qui ne l’a pas encore vu. Il en est ainsi de celle qui me rejoint le ouiquennede. C’est pour elle que je prends des places ce samedi un peu avant quatorze heures à l’Omnia qui programme cet été une rétrospective Stanley Kubrick. Elle arrive juste avant l’heure, ayant dû presser le pas, la faute au peu de bus roulant à Rouen pendant les vacances.

    Nous nous installons au milieu du dernier rang d’une salle plutôt grande mais dont l’écran l’est beaucoup moins. Je lui dis que j’avais vingt ans quand Orange Mécanique est sorti et que je l’ai vu la première fois. Elle me fait remarquer que je vais le revoir exactement quarante ans après et je réalise que c’est dans le même cinéma. Entre temps, je l’ai vu une deuxième fois à Paris, il y a une dizaine d’années, avec celle qui me tenait alors la main.

    Nous subissons les crétines publicités Mac Donald’s, Maif et Coca-Cola tandis qu’arrivent un public assez jeune, hormis une vieille femme à béquille. Quand le film commence, nous sommes seize spectateurs et spectatrices, beaucoup plus d’hommes que de femmes, en ce jour de pluie favorable à la fréquentation des salles de cinéma.

    Le son est assez bon mais je le rêve encore meilleur pour Ludwig van. Deux filles arrivent en retard, utilisant leur téléphone comme lampe de poche. Elles ont raté la scène du clochard. Que l’on puisse commencer un livre à la page trente me surprend toujours.

    Quand la lumière revient, celle qui est assise à ma droite est recroquevillée sur son siège. Je suis traumatisée, me dit-elle. Je lui dis qu’il n’y avait pas de scène vraiment violente. C’est pire parce qu’on imagine, me dit-elle. Elle est bien secouée. Je l’emmène faire le tour de la ville afin qu’elle se remette de cette histoire de violence individuelle et de violence d’Etat. Elle trouve que c’est d’actualité et me demande ce que j’en pense. Pour moi, c’est comme si j’avais visité un vieux château, lui dis-je, je trouve ça daté, notamment le pseudo argot employé par Alex.

    *

    Tandis que les belles âmes dénoncent le journalisme de caniveau, mon « mauvais penchant donnant sur la rue » se régale des rebondissements de l’affaire Tristane Banon Strauss-Kahn. Cela me rappelle le bel été du feuilleton Bertrand Cantat Marie Trintignant. J’achetais Libération tous les jours.

    *

    Intéressante cette façon qu’a Brigitte Guillemette, deuxième femme de Strauss-Kahn, de nommer systématiquement Anne Mansouret, la mère de Tristane, par son nom d’origine Anne Mansoureh-Riahi.

    Les Orientaux sont des menteurs, Anne Mansouret est une Orientale, donc c’est une menteuse.

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  • À l’heure où je repasse rive gauche ce jeudi pour voir et écouter Willo, les bombes roulantes ne frôlent plus le sable, l’accès au quai bas étant fermé pour cause d’ouverture de la plage de Rouen sur Mer. On en est à la quatrième semaine des Terrasses du Jeudi. J’arrive devant le café de la Rotonde, près du parquigne des Emmurées où l’une des brocanteuses est encore là, occupée à ranger son magasin dans son camion (sept heures/dix-neuf heures, douze heures de travail).

    La Rotonde a cru bon d’aligner ses tables façon salle de classe en plein air. C’est comme à l’école : celles et ceux qui sont au fond ne verront rien, d’autant qu’un Tivoli protégeant la technique d’une éventuelle averse, est intercalé entre le public et la scène. Je choisis de ne pas consommer, restant debout près de deux types déjà bien imbibés. Willo sont trois, un chanteur guitariste à tignasse blonde, lunettes vertes et petit chapeau, un batteur debout et un autre que me cache le Tivoli. Ils font de la pop rock qui s’écoute facilement. Le public applaudit comme il faut. De temps en temps passe une femme ou un homme n’en ayant rien à faire de la musique, en route vers son logis, sacs de courses à bout de bras. Un clochard demande une cigarette aux deux imbibés. L’un d’eux lui tend son paquet de tabac et une feuille. Je regarde comment le tapeur s’y prend. Très mal, le paquet de tabac finit par tomber sur le sol. L’autre imbibé sort son paquet de cigarettes, en donne une au maladroit qui après l’allumage va casser les pieds d'un autre auditeur. On est tous des êtres humains, commente l’imbibé numéro un. Willo s’arrête, c’est la récré. On peut boire une bière si on veut. Je préfère quitter les lieux.

    Du côté de la Cathédrale et du café de la Flèche, une musique à fort volume conduit mes pas vers Moa. C’est une chanteuse à voix, inconnue de moi, venue du Canada. Elle interprète des chansons énergiques et tripales accompagnée de musiciens qui font le boulot, dont un saxophoniste. Les spectateurs sont bien plus nombreux que pour Willo. Certains dînent en famille, venus à Rouen pour l’occasion. Je reconnais un instituteur de l’Eure, pas vu depuis longtemps, un vague sosie de Fernandel. Un énorme camion poubelle décoré de slogans édifiants longe la Cathédrale. Le public applaudit comme il faut. Moa pousse un dernier cri. On peut acheter ses cédés ou son ticheurte. Je préfère rentrer chez moi.

    *

    Pas l’impression d’avoir perdu grand-chose en étant absent lors des trois premières semaines des Terrasses du Jeudi. Il y a bien eu Elisa Jo à l’Espace du Palais. J’ai vu des images, n’arrivant pas à la reconnaître : cheveux coupés et teints en presque rouge (Elisa, tu n’aurais pas dû faire ça).

    *

    Sale temps pour les politiciennes locales après l’incendie d’un bâtiment Verre et Acier de la Grand-Mare et la mort de deux enfants dont la mère a sauté dans le vide avec l’aîné dans les bras, cela après un premier incendie dans le même type d’immeuble dû à Marcel Lods et déjà un enfant mort. Valérie Fourneyron, Députée Maire socialiste, se fait prendre à partie dans son bureau de l’Hôtel de Ville par des habitant(e)s des Hauts de Rouen et Catherine Morin-Desailly, Sénatrice sarkoziste, ne se sent pas très bien : « Certains, au travers de leur propos, laisseraient supposer que nous porterions une responsabilité dans cette tragédie, par la demande faîte, compte tenu de l’intérêt architectural de cet ensemble pour le patrimoine du 20ème siècle, d’engager en février 2009, une procédure de protection au titre des monuments historiques. Cette demande ne s'est faite qu'à l'issue de la rénovation de dix-neuf de ces immeubles menée entre 2004 et 2009. Elle ne peut donc être considérée comment étant la cause de leur conservation. »

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  • Rouen sous pluie bat son plein depuis mon retour de vacances. A peine si j’ai pu me poser à la terrasse du Son du Cor mercredi, où les déprimé(e)s chroniques commentaient leur cuite de la veille.

    Ce jeudi matin, pendant l’accalmie, je me rends rive gauche et fais le tour du marché des livres et de la brocante. J’en repars sans rien quand arrive le podium des Terrasses du Jeudi et rentre par le quai haut dominant l’attraction copiée collée Rouen sur Mer.

    A cette heure, celle-ci n’est pas encore ouverte au public et donc moins sinistre que lorsque quelques estivant(e)s s’y vautrent ou s’agitent sportivement. Un Tivoli annonce la couleur : « Rouen, le sport en capitale » (une obsession de Madame le Maire, future Ministre des Sports d’une éventuelle Présidente Aubry).

    Autre Tivoli : celui de France Bleu Haute-Normandie, la radio qui fait de la vie une sieste permanente, devant lequel s’étend un parquet dont une femme balaie les flaques. Une affiche annonce qu’une association est à la disposition des handicapé(e)s. J’imagine qu’on les porte jusqu’à la plage qui n’est atteignable que par un escalier.

    Je quitte les lieux, traversant prudemment l’entrée du quai bas vers lequel se ruent les camions dont la circulation n’est pas détournée. Les bombes roulantes frôlent le sable. Aucun accident n’est prévu.

    *

    Rouen, rue de la Jeanne, je constate que la Poste centrale, récemment refaite, est de nouveau fermée pour travaux. « Pour avoir de l’argent, Poste Champmeslé Gare » est-il écrit sur la porte. J’en ai déjà mais suis content pour celles et ceux qui n’en ont pas qu’il soit si facile d’en obtenir (même plus besoin de travailler).

    *

    Terminé la lecture de Henry Miller ou le diable en liberté d’Erica Jong (Livre de Poche). D’une lettre d’Henry Miller à Erica Jong ceci (vingt-cinq avril mil neuf cent soixante-quatorze): Les écrivains ressemblent presque tous à des ongles incarnés.

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  • Comme livre à lire à celle qui m’accompagne lors de ces vacances alsaciennes, j’ai dans un sac rouge de la librairie Parallèles les Lettres à Nelson Algren de Simone de Beauvoir dans l’édition Folio. Ces lettres d’amour écrites en anglais à l’amant américain sont traduites par Sylvie Le Bon de Beauvoir, fille adoptive. Elles montrent l’auteure du Deuxième Sexe sous un jour assurément sympathique, vraiment amoureuse et en racontant de belles sur ses proches : Camus, Giacometti, Genet, Vian, Cocteau, Gide, Queneau, Violette Leduc (la femme laide) et celui qu’elle nomme le pauvre Sartre (à qui il arrive pas mal de malheurs). Choutée à la benzédrine, descendant allégrement bouteilles de scotch ou de gin, hardie voyageuse, la duchesse de Bovouard est bien différente de l’image que l’on donne toujours d’elle.

    Je lui lis Simone un peu partout, nous deux assis dans les prés, sur un banc ou un rondin de bois. Au bout de quelques jours, elle a envie de lire aussi, ce à quoi je consens avec modération.

    Trois extraits qui donnent une idée :

    J’ai visité les cinq villes de Ghardaïa, les brunes, les blanches, et la bleue ravissante dans cette lumière. Ce qui ne vous plairait pas ce sont les mouches, des myriades de mouches. Une fois, le vent glacial les a exterminées par armées entières, eh bien le lendemain, elles réapparaissaient aussi nombreuses que jamais. Elles me dévorent, en ce moment, tandis que j’essaie de vous parler raison. Il y a aussi des puces. En outre ce pauvre Sartre a attrapé dès le premier jour une autre sorte de bestioles très intimes, il mourait de honte en l’avouant au pharmacien, lequel a juste souri : « Tout le monde en a, ici. » (samedi dix-huit mars mil neuf cent cinquante)

    C’est mon tour de traîner et d’être traînée en justice. Dans Le Deuxième Sexe j’ai consacré un passage aux putains, aux prostituées et, entre élégantes cocottes de 1900, j’ai mentionné Cléo de Mérode. Dimanche dernier quelqu’un, se faisant passer pour moi, a lu ce chapitre à la radio et insulté Cléo de Mérode. Si bien que j’apprends par les journaux et par une lettre personnelle que cette dame m’intente un procès. Moi de mon côté j’en intente un à la radio pour avoir frauduleusement utilisé mon nom. Voici une bonne photo de la femme en question et de moi. En fait, je la croyais morte depuis longtemps, ce qui aurait facilité les choses. (lundi vingt-sept février mil neuf cent cinquante)

    Mon mari à moi. Votre lettre m’a fait un bien énorme. Oui, j’attendrai patiemment si je sais que je suis toujours votre femme, que nous serons heureux comme nous l’avons été, que vous pensez à moi avec autant d’amour que moi à vous. Ce qui m’effraie parfois, c’est l’idée que la distance et l’attente pourraient faire s’évanouir ce que nous sommes l’un pour l’autre, vous transformer en pâle souvenir, vous ma chair et mon sang. (mardi trois août mil neuf cent quarante-huit)

    De mil neuf cent quarante-sept à mil neuf cent soixante-quatre, Simone de Beauvoir a écrit des centaines de lettres d’amour à Nelson Algren. Quand arrive la fin de nos vacances, nous n’en sommes qu’aux deux tiers du livre. La lecture continuera pendant les ouiquennedes.

    *

    Sylvie Le Bon de Beauvoir n’y va pas de main morte dans sa traduction des lettres de sa mère adoptive. La bouteille de Southern Confort devient une bouteille de Réconfort Sudiste et le roman de Nathanaël West Miss Lonelyheart se voit affubler du titre Mademoiselle cœur solitaire.

    *

    Tu sais que tu es de retour en Normandie quand le volatile qui survole ta voiture est une mouette et non plus une cigogne.

    *

    Près de quatre semaines sans informations et au retour, je constate que rien n’a bougé. Libye, Syrie, Egypte, Japon, Italie, France, Grèce, tout est exactement au même point qu’avant mon départ. Ne pas croire qu’il se passe quelque chose.

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  • Nous n’en sommes même pas à la moitié et retrouvons Orbey (ses deux fermes auberges de choix : Chèvremont et le Pré Bracot), bourg où nous campions il y a cinq ans, cette fois attendus en chambre d’hôtes au hameau de Tanach. Déception à l’arrivée, l’unique chambre ne l’est plus, désormais doublée. Pas envie de partager les petits-déjeuners avec autrui pendant une semaine, je proteste. La dame nous offre pour le même prix un luxueux et vaste gîte où nous prenons nos aises et c’est heureux car la deuxième chambre est bientôt occupée par un couple d’enseignants retraités dont l’occupation préférée est de regarder le foute à la télé de la salle commune en faisant les mots fléchés du Déhenneha (Dernières Nouvelles d’Alsace). L’ultime semaine nous conduit à la Maison Bleue (charmant duplex pour deux) d’Altenbach, village où est née Catherine Hubscher, Maréchale Lefèbvre, Duchesse de Dantzig, dite Madame Sans-Gêne.

    Celle qui m’accompagne continue à noter, ainsi suite à un déjeuner au restaurant La Petite Fontaine à Rambach : « à un moment le grand cuisinier échevelé sort, prend une épuisette, attrape une truite dans la fontaine et VLAN la truite fracassée sur la pierre : « Des fois je pense à quelqu’un que j’aimerais taper et plouf elle est morte ». »

    Le même jour (lundi onze juillet deux mille onze), elle écrit : « Passage à Jungholtz où se trouve un immense cimetière israélite. Impressionnant et très très beau avec ses tombes de traviole un peu partout dans l’herbe. » puis « Reprise de la route vers Thierenbach où se trouve une immense église/collégiale genre Lourdes bien mastoc avec parvis plus que prétentieux. A l’intérieur dorures gerbantes avec Christus et ses potes les saints. Des mémères à fric trop parfumées et mauvaises. »

    Les jours suivants, nous montons à pied vers la ferme auberge de Nierderbruck tenue par un militant de la Confédération Paysanne dont nous sommes les seuls clients, puis, par un long chemin de six ou huit kilomètres, vers celle de Moosch tellement perdue dans la montagne qu’elle n’est pas reliée au réseau électrique, deux repas mémorables.

    Il est temps de retourner en Allemagne, première étape à Müllheim, puis Badenwiller, Schweighof (sages enfants blonds faisant la ronde devant l’école), Schönau im Schwartzwald, Zellinn, Wiesental, Schopfheim, Haagen « et finalement on s’arrête à Kandern où on mange super bien chez un italien, le San Lorenzo, avec un bon menu à 8.90 et un fort bon chianti. Pas mal pour une fête nationale d’être en Allemagne et de manger italien on trouve. Ensuite très très belle promenade à Feldberg : on part de l’église et on va dans les vignes surélevées où on trouve une maisonnette (abri de vigneron) et un bon banc pour lire Simone. Et puis on fait une belle boucle à travers les champs de blé, les vergers. Tout cela très soigné, en ordre et mignon. On pourrait être dans « Martine et les quatre saisons ». »

    Les jours suivants dans le carnet bleu ne sont notés qu’en abrégé.

    C’est sous la drache que nous rentrons dimanche dix-sept juillet avec arrêt à Fismes dans la Marne où nous déjeunons au restaurant de l’Esplanade, plutôt bien, parmi une clientèle déprimante, Fismes, lieu où nous n’aimerions pas vivre et où me vient l’idée d’un guide de voyage intitulé « Où ne pas aller ».

    *

    Tourte à la viande, tourte au munster, repas marcaire, munster coiffé, choucroute, fleischnaka, fondue au  barkaas,  quelques-uns des plats locaux auxquels nous avons goûté et qui expliquent pourquoi ce n’est pas ici qu’Elle et Marie-Claire viennent préparer leurs numéros d’été (jamais vu autant de gros(se)s qu’en Alsace). Seule déception culinaire : les carpes frites assez insipides servies dans le Sundgau.

    *

    Longtemps aussi que je n’avais vu autant d’autocollants « Nucléaire ? Non Merci » sur les fesses des voitures, même chose en Allemagne avec variante sous forme de drapeau flottant au mur des maisons « Atomkraft ? Nein Danke ». Pas loin se dégrade la centrale de Fessenheim.

    *

    C’est grâce à cette centrale que celle qui m’accompagne fait une belle série de photos de pylônes (de taureaux, comme elle dit), trois lignes haute tension se croisant en forêt dans une atmosphère crépitante. Première fois qu’elle photographie un taureau par en dessous.

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  • Retour sur le lieu de nos premières vacances cet été après une journée de voiture sous la drache mercredi vingt-deux juin, l’Alsace n’a pas changé, elle et moi un peu forcément, plus de campignes mais des chambres d’hôtes. On commence par le nord et on descend peu à peu, allant et venant entre la plaine (ses vignobles, ses villages aux maisons colorées) et la montagne (ses forêts, ses lacs et ses fermes auberges), le plus souvent sous le soleil. Tous les deux ou trois soirs, celle qui m’accompagne note notre périple sur un carnet bleu que j’ai devant moi. Tu me devras des droits d’auteur, m’a-t-elle dit. Je mettrai des guillemets quand je te citerai, lui ai-je répondu.

    « On déplace la table de la vieille dehors et hop petit-déj au soleil (ou presque) avec café jus de chaussettes. » (vendredi vingt-quatre juin deux mille onze)

    « Ping on arrive à Saulxures. Très belle chambre, gentille dame mais… on s’emmerde quand même dans ce village bien mort. Après un moment chaud dans le lit douillet on part vers Saales, via une route de terre (« les Normands viennent nous déranger jusque-là ! »), où une bonne limonade au café boucherie de l’Europe. Très beau. » (vendredi vingt-quatre juin deux mille onze)

    « Puis on file vers Kintzheim pour manger chez Jenny. Bien conforme à nos souvenirs, on mange un super repas à base de boulettes de foie et tout et tout. (lundi vingt-sept juin deux mille onze)

    « Et les grosses maisons en guimauve comme à la foire. On en prend toujours plein la tronche à Ribeauvillé. » (mardi vingt-huit juin deux mille onze)

    « Première fois que je fais pipi dans les vignes !! Très agréable tout en regardant Sélestat. Il faudrait que je m’arrange pour que ça arrive plus souvent » (trente juin deux mille onze)

    « Sur le chemin on rencontre une sorcière très gentille avec une faux qui nous dit qu’on peut passer à travers ses champs. » (mardi cinq juillet deux mille onze)

    « Breisach. Tellement beau ! Et surtout très très paisible (mais pas mort)… Un bon et surprenant repas au restaurant Ihringer. Un super verre de vin de Bade de 0.2 l chacun, des immenses bouchées à la reine au poulet et surtout une petite liqueur Edelkirch vraiment très bonne. L’Allemand est fort décontracté et point pressé du tout remarque-t-on. D’ailleurs on remarque plein de choses qui donnent envie de venir de manière plus prolongée en Allemagne : les jolies nymphettes à vélo, les toilettes propres, les immenses gâteaux en vitrine au restaurant (quoique un peu crémeux) et le prix du tabac (et du vin). » (mercredi six juillet deux mille onze)

    Nous n’en sommes qu’à la moitié.

    *

    Un des autres talents de celle qui écrit à ma place pendant les vacances, c’est celui de parodier les reportages du Journal de Jean-Pierre Pernaut, pas un village d’Alsace qui ne soit source d’inspiration et pas un repas sans fou rire.

    *

    Les touristes ne s’agglutinent qu’en certains lieux (Riquewihr ou Colmar), essentiellement des vieux et des vieilles, ailleurs le plus souvent que nous deux pour visiter le pays.

    *

    A Saint-Hippolyte, face à la chambre d’hôtes du vigneron chez qui nous logeons, d’autres chambres semblent inoccupées malgré l’immense panneau mural les annonçant : Chambres Humbert. J’imagine qu’il y a un prix spécial pour les jeunes filles.

    *

    Face au Saint-Alexis, improbable restaurant perdu dans la montagne entre Riquewihr et Kaysersberg, la chapelle du même nom. Cet Alexis a passé sa vie à mendier sous l’escalier du palais de ses parents qui ne l’ont reconnu qu’à sa mort. Un certain Thibaud de Vernon, chanoine à Rouen, serait l’auteur du poème de cent vingt-cinq strophes de cinq vers de dix syllabes narrant la vie du saint (seconde moitié du onzième siècle).

    *

    Pas que des côtés sympathiques en Alsace, on y vote bien plus qu’ailleurs pour Le Pen. La tronche de la fille s’étale sur certaines mairies rurales sans que quiconque songe à la déchirer. Autres affiches puantes, celles d’Alsace d’abord.

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