•             Après avoir enfin vu ensemble l’exposition Edvard Munch du Centre Pompidou, celle qui m’accompagne m’entraîne au niveau Un où devant un public plus jeune et moins nombreux s’expose la première rétrospective française consacrée à l’artiste japonaise Yayoi Kusama.

                Passée du grouillement artistique américain des années soixante à l’enfermement psychiatrique volontaire depuis son retour au Japon en soixante-treize, Yayoi Kusama est surtout connue pour ses petits pois, ses petits pois, toujours ses petits pois, réminiscence de ses hallucinations d’enfance. Un intérieur aux gommettes fluorescentes en témoigne à l’entrée. Je découvre avec celle qui me tient la main et qui la connaît mieux que moi.

                L’exposition est vaste et montre les facettes du travail de l’artiste, dont certaines m’intéressent peu. Je retiens surtout les vidéos des performances américaines (happenings disait-on) de l’époque Peace and Love Anatomic Explosion, Body Painting (nudité publique, libération sexuelle et contestation politique) et les installations réalisées à base d’objets domestiques agglomérés et hérissés de bites molles en tissu.

                La dernière salle est consacrée à l’un de ses environnements lumineux à miroirs où l’on se réfléchit infiniment dans toutes les directions, en quoi Yayoi Kusama voit une chambre à méditation, où tous les deux nous aimons nous perdre. C’est pour moi l’occasion de me souvenir de celui exposé au Musée des Beaux-Arts de Rouen (dans lequel j’avais emmené mes élèves de maternelle), il y a déjà bien longtemps, quand ce Musée présentait encore des œuvres un peu excitantes.

    *

    Terminé pendant le voyage à Paris la lecture des Carnets de l’aspirant Laby (Médecin dans les tranchées) (Pluriel Hachette Littérature) en songeant à grand-père Jules qui vécut cette abominable guerre et fut blessé à Verdun. Combien de ses copains de tranchées atrocement mutilés ou morts a-t-il dû voir ? A chaque repas de famille, il nous saoulait avec sa guerre, sans jamais véritablement en parler.

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    Cet aspirant Laby supporte la barbarie sans broncher, s’offusquant seulement qu’on tarde en haut lieu à lui donner la médaille de guerre.

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  •             C’est comme ça que je résume cette vacance passée avec elle à Paris, une sorte de périple, du restaurant pédagogique du Lycée Belliard (une clientèle de vieilles et vieux dont une râleuse et un premier service pour des filles et des garçons la plupart venus d'ailleurs) à l’un des deux restaurants routiers de Paris sobrement nommé Aux Routiers, rue Marx-Dormoy, (un peu cher mais fort copieux et l’occasion de manger des tripoux) en passant par le populaire Au Bouquet, même rue, (buffet d’entrées, chou farci pour elle, émincé de bœuf pommes rissolées pour moi, tarte aux poires de la maison, le tout pour moins de dix euros), l’italien Miroglio Caffe, rue Saint-Martin, (déjà visité, entrées et plat à volonté, indispensable tiramisu en supplément) et le japonais Ikko, avenue Claude-Vellefaux, (à volonté également et à la serveuse patiente, même quand je renverse un verre de vin).

                Il n’empêche que les repas dont je me souviendrai le mieux, ce sont ceux confectionnés par ses soins, pris sur la table en verre.

                Pour le reste, moult activités diverses, à deux, ou en solitaire quand elle doit travailler, mais je ne peux ou ne veux pas tout dire. La seule chose que je n’aie pas réussi à faire : écrire.

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                Sur la camionnette d’un artisan de son quartier ce lundi matin où elle m’accompagne à Saint-Lazare : « J’étanche donc je suis ». Je lui fais remarquer qu’aurait été mieux un « J’étanche donc j’essuie ».

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                Pas étonnant que François Hollande se soit qualifié pour la Présidentielle puisqu’à Rouen où on fait toujours le mauvais choix, les politicien(ne)s socialistes et leurs sympathisant(e)s (comme on dit) soutenaient la Maire de Lille (l’ont d’ailleurs élue).

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                Bien embêtée qu’elle doit être la Députée Maire Valérie Fourneyron, déjà quasiment Ministre des Sports de Martine Aubry.

                Pour se faire remarquer par Hollande, ne lui reste plus qu’à faire Paris Amsterdam à vélo ou Rouen Bois-Guillaume en petites foulées.

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  • Terminé la lecture de la correspondance de Truman Capote publiée sous le titre Un plaisir trop bref et en grand format par Dix/Dix-Huit, un plaisir intense, l’écrivain est curieux comme une concierge et en possède la langue de vipère. Echantillons :

    André Gide habite ici. Il passe ses après-midi chez le coiffeur à se faire savonner le visage par des petits garçons de dix à douze ans, ce qui provoque une sorte de scandale –non parce qu’il aime entraîner ces petits garçons chez lui, mais parce qu’il ne les paie que deux cents lires. (Lettre à John Malcolm Brinnin, sept avril mil neuf cent cinquante)

    La fille de Gide est venue lui tenir compagnie. Elle m’a ébahi : 1) parce qu’elle est aussi laide qu’un poêle à bois, 2) parce qu’elle est beaucoup plus jeune que je l’imaginais, à peine 23 ou 24 ans. Comment croire que cette vieille chèvre y soit pour quelque chose ? (Lettre à Andrew Lyndon, quinze mai mil neuf cent cinquante)

    Verdura et sa bande  ne sont pas encore arrivés, mais ça ne saurait tarder. Je me demande qui va coucher avec qui, car la maison qu’ils ont louée est très pauvrement meublée. (Lettre à Cecil Beaton, douze juillet mil neuf cent cinquante-deux)

    J’ai vécu d’étranges aventures ces dernières semaines, auxquelles sont mêlés John Huston et Humphrey Bogart, qui m’ont rendu fou tant ils font la bringue –à moitié ivres toute la journée, et complètement ivres la nuit. Tu  n’es pas obligé de me croire, mais je suis entré  un matin à six heures dans la chambre de Bogart pour y trouver le roi Farouk dansant le hula-hoop. (Lettre à Andrew Lyndon, février mil neuf cent cinquante-trois)

    On rencontre des gens tout à fait surprenants à Portofino. L’endroit regorge de ces situations dont Jennifer prétend qu’elles n’arrivent jamais. Une jeune Australienne, par exemple, qui vient de s’enfuir avec son beau-père. Une mère suédoise et sa fille qui se partagent les faveurs d’un jeune pêcheur. (Lettre à David O. Selznick, vingt-trois juin mil neuf cent cinquante-trois)

    Lu la nouvelle pièce de Carson McCullers que Saint-Subber va monter : j’ai sûrement lu pire, mais je ne m’en souviens pas. (Lettre à Cecil Beaton, le quinze mai mil neuf cent cinquante-six)

    J’ai vu un graffiti très drôle dans une pissotière. Quelqu’un a écrit : « Je mesure 19 centimètres et demi et je serai là lundi prochain. » Et quelqu’un a écrit au-dessus : « D’accord, mais ta queue, combien mesure-t-elle ? » (Lettre à Cecil Beaton, deux mai mil neuf cent cinquante-huit)

    Ainsi Lillian Valenzuela vient d’avoir un bébé –réjouissons-nous s’il ne ressemble pas à son père. (Lettre à Alvin et Marie Dewey, le vingt-six mars mil neuf cent soixante et un)

    A propos, quelqu’un sait-il pourquoi Arthur Jeffress s’est suicidé (n’est-ce pas simplement de s’être regardé dans une glace ?) (Lettre à Cecil Beaton, trois novembre mil neuf cent soixante et un)

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    Parmi les encombrants qui m’empêchent d’avancer à mon pas rue Saint-Romain, de malheureux élèves dotés d’une professeure nulle improvisant son propos : « C’est la palais de l’archevêque. L’archevêque, c’est quelqu’un d’important donc il a un palais. » Personne ne l’écoute évidemment.

    *

    Insupportables, celles et ceux qui lorsqu’elles (ils) plaisantent disent qu’elles (ils) plaisantent.

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    Insupportables itou, celles et ceux qui rient de leurs plaisanteries.

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  • Troisième soirée Benjamin Britten à l’Opéra de Rouen ce samedi soir, celle qui me rejoint le ouiquennede se procure une place de dernier quart d’heure à cinq euros. Comme le public est peu nombreux, nous n’avons aucun mal à nous installer l’un avec l’autre à l’orchestre, côté jardin de façon à bien voir le piano. Ce soir, c’est musique de chambre.

    Irène Blondel au piano et Jérôme Laborde au hautbois jouent les Temporal Variations. Le Quatuor à cordes numéro trois (inspiré par La Mort à Venise) est ensuite donné par Teona Kharadze et Hervé Walczak (violons), Agathe Blondel (alto) et Anaël Rousseau (violoncelle). Pour finir, les sœurs Blondel interprètent If my complaints could passions me de John Dowland puis Lachrymae, les variations de Britten autour du thème de l’œuvre précédente. Toutes et tous se taillent un beau succès.

    Elle plaît au public rouennais la musique du Great Britten.

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    Discussion un peu confuse avec elle ce dimanche midi sur la question de voter ou pas lors des prochaines présidentielles, et si oui pourquoi n’avoir pas voté aux primaires du Parti Socialiste. On n’est pas plus clair l’un que l’autre. Ce qui nous réunit : c’est qu’on en a assez de n’avoir pour choix que le recto et le verso de la même pièce.

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    Une subtilité qui m’échappe : Martine Aubry qui avait pacté avec Dominique Strauss-Kahn, directeur du Fonds Monétaire International, serait plus à gauche que François Hollande.

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  • Attente inhabituelle à l’entrée de la salle de l’Opéra de Rouen, ce vendredi soir, les ouvreuses évoquent un problème technique. Quand enfin je peux m’asseoir, j’ai le temps d’étudier à fond le livret programme avant qu’enfin Frédéric Roels, directeur de la maison, apparaisse et annonce qu’on attend un musicien retardé par la grève des contrôleurs de train.

    Espérons qu’il soit en état de jouer quand il arrivera, me dis-je songeant à ce qui s’est passé la veille au Cent Six où Pete Doherty arrivé en retard s’est révélé incapable de faire autre chose qu’une promenade au bord de la Seine (sans s’y jeter toutefois).

    Pas très longtemps après, la lumière baisse, le chef d’orchestre australien Kynan Johns se montre abondamment avant de descendre dans la fosse, le rideau se lève sur l'angoissante demeure et c’est parti pour Le Tour d’écrou de Benjamin Britten, opéra de mil neuf cent cinquante-quatre, dont le livret inspiré du court roman d’Henry James (jamais je n’ai pu lire quoi que ce soit de cet auteur) est signé Myfanwy Piper. La mise en scène est de Frédéric Roels, directeur de la maison. C’est le point faible : fenêtres qui montent et qui descendent.

    Côté musique et chant, tout va bien. Elodie Kimmel fait assez bien la grande fille. Le garçon est un vrai : Michael Clayton-Jolly (il est anglais et a neuf ans, entends-je à l’entracte). Le rôle principal, celui de la gouvernante, est tenu par Kimy Mc Laren, parfaite, et le reste de la distribution est à la hauteur.

    Hormis mon voisin qui disparaît à l’entracte, tout le monde semble content à l’issue et les applaudissements durent. « Etrange » est le mot que j’entends le plus dans l’escalier pour qualifier cette histoire de pédophilie suggérée.

    *

    Inquiétante, l’attitude des fan(natique)s de Pete Doherty. Ils viennent voir un artiste déjanté pour oublier leur vie rangée et quand celui-ci déraille un peu plus que prévu l’assassinent.

    Vendredi après-midi, la page Effe Bé du Cent Six montre la photo autoportrait de l’artiste incapable de chanter. Il a le regard perdu. Les commentaires (à une exception près, celui d’une certaine Léa) ne sont qu’insultes haineuses. Samedi matin, la photo n’y est plus.

    *

    Ces concerts où l’on saute en l’air, jamais loin de Nuremberg.

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  • A Louviers en fin d’après-midi ce jeudi, je me gare près du cinéma Le Forum. Je prends un café rapide dans cette brasserie appelée autrefois Chez Juhel et aujourd’hui Le Juhl's. La place Thorel est décorée de géantes fleurs laides en plastique. Les branlotin(e)s sorti(e)s du collège se précipitent dans l’ancien Monoprix devenu Lideule. Sur les ruines du garage Renault se construit le nouveau Pôle Emploi. J’ai rendez-vous avec frère et sœur chez une notaire du boulevard. Il s’agit d’héritage, ce qu’on appelle pudiquement  une succession.

    L’affaire faite, je rentre à Rouen et me rend directement à l’Opéra. A l’entrée de la salle, une affichette encadrée semble là pour moi, qui invite à donner son argent pour que prospère l’honorable maison : « Offrez-vous une part de rêve, devenez mécène particulier ». Une part de rêve, l’expression a le mérite de l’honnêteté.

    J’ai une bonne place en dernier rang d’orchestre d’où je vois bien le plateau occupé par une partie du décor du Tour d’écrou que je verrai demain, une immense façade semblable à celle de la maison familiale de Louviers. La porte d’entrée est un gouffre noir.

     Devant l’inquiétante demeure s’installent les musiciennes et musiciens de l’Orchestre. La direction est assurée ce soir par Darell Ang, jeune chef né à Singapour. Il mène bien la baguette, d’abord pour la Simple Symphony de Benjamin Britten, aux nombreux pizzicati, puis pour la Chaconne en sol mineur d’Henry Purcell. Quand mes yeux ne savent pas quoi faire, ils se posent sur les longues jambes de la violoniste Elena Pease.

    Darell Ang revient accompagné d’Elodie Kimmel pour Les Illuminations de Rimbaud mises en musique par Britten. La soprano se lance avec assurance et à l’issue reçoit moult applaudissements.

    Je suis du même avis que celui avec qui je parle à l’entracte, c’est une bonne soirée.

    Elle continue de même avec la Suite pour cordes en sol majeur d’Henry Purcell, le Cantus in memoriam Benjamin Britten d’Arvo Pärt et s’achève avec la Sinfonietta opus un de Benjamin Britten qui est reprise en bis. Darell Ang salue avec modestie.

    *

    « L’Angleterre est un pays sans musique » disait Robert Schuman, m’apprend la notice du livret programme signée Anna Ghandri.

    *

    En rentrant, je passe devant l’épicerie bio de la rue du Petit Salut. Sur la vitrine, une affiche annonce pour le neuf octobre « La Fête des vieux légumes ». Rien à voir avec le quatrième âge, semble-t-il.

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  • Depuis septembre, la balise humaine qui me servait de repère sur le quai de la gare de Rouen n’est plus là, un départ en retraite peut-être, et pour ajouter à mon trouble ce mercredi, le train de sept heures vingt-cinq est plus court que prévu, d’où un dangereux mouvement de foule vers l’avant. Parmi les voyageurs, un groupe de garçons à cheveux très courts (à quoi on reconnaît les élèves des lycées professionnels) pour qui on réclame les places réservées. Un homme d’affaire assis à l’une de ces places en ôte tranquillement l’affichette. Tout le monde se case néanmoins. Je lis Les Carnets de l’aspirant Laby (Médecin dans les tranchées) dans la collection de poche Pluriel.

    A l’arrivée, la foule se presse vers le bout du quai, croisant les voyageurs du train voisin qui part bientôt pour Rouen. Parmi ceux-ci, un homme qui en embrasse un autre. C’est le futur Président de la République, François Hollande. Il a les joues creuses.

    La ligne Quatorze du métro me conduit à Châtelet d’où je rejoins le Quartier Latin. Place Saint-Michel, une femme tombe à mes pieds. Elégante, vêtue d’une jupe noire et d’une veste blanche, la voilà sur les fesses. Je l’aide à se relever et constate que ce n’est pas Marie-Ségolène Royal.

    J’achète chez Boulinier les Ecrits intimes de Roger Vailland (Gallimard), chez Joseph Gibert Struthof de Robert Steegmann (La Nuée Bleue) et chez Gibert Jeune Super positions (Une histoire des techniques amoureuses) d’Anna Alter et Perrine Cherchève (Hachette Littératures). De ce dernier ouvrage, richement illustré, je prends un deuxième exemplaire pour celle qui doit me rejoindre au Centre Pompidou où nous devons voir ensemble Edvard Munch, l’œil moderne.

    Quand elle arrive, rien ne se passe comme prévu, à croire que l’œil de Munch est un mauvais œil. Le tableau que nous donnons est une triste reprise de celui intitulé Deux êtres humains. Les solitaires. Heureusement, c’est réconciliés que nous nous quittons.

    *

    François Hollande Président de la République, je m’avance un peu. Il faut déjà qu’il passe devant Martine Aubry (unanimement soutenue par les socialistes rouennais et d’alentour en vertu du pacte à trois Strauss-Kahn-Aubry-Fabius), puis qu’il se trouve face au louzeur Sarkozy (et non à un plan bé du genre Juppé ou Fillon).

    *

    Trop de choses à faire ce jeudi. Je ne peux être présent au Tribunal Administratif pour soutenir une femme nigériane et ses deux enfants scolarisés dans les écoles André Pottier et Jeanne Hachette à Rouen puis un couple d’origine arménienne et leur petite fille scolarisée à l'école Vauquelin à Dieppe.

    Grand Rouen, le site d’information animé par Sébastien Bailly (qui vient de renaître) m’apprend que le nombre d’affaires concernant les Sans Papiers représente désormais vingt-huit pour cent de l’activité du Tribunal Administratif de Rouen et que l’augmentation s’accélère depuis juin.

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    C’est aussi par Grand Rouen que j’apprends ce que venait faire François Hollande à Rouen hier : voir ses copains qui ne voteront pas pour lui et Bois-Guillaume où il fut enfant. L’article omet de raconter que le futur Président de la République a eu droit à un accueil antinucléaire organisé par le Collectif anti Heupéherre « Ni à Penly ni ailleurs ». Eh ouais.

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  • Dimanche matin, c’est toujours l’été d’octobre. Sous la fenêtre du délicieux petit-déjeuner confectionné par celle qui m’accueille à Paris bruissent les préparatifs du vide grenier des Amiraux. Nous faisons le tour des déjà installé(e)s puis traversons la ville pour rejoindre celui de la Butte-aux-Cailles plus prometteur en nombre.

    Il l’est, occupant de nombreuses rues et la place de la Commune. Pour la qualité, rien à redire. On lit de bons auteurs dans ce quartier un peu boboïsé mais pas trop. Je suis au régime, je n’achète guère de livres, plus de romans, mais mon sac s’emplit quand même. J’ai pour elle un livre illustré sur la vie de Raspoutine et pour moi, entre autres, Jean-Marie Vianney, curé d’Ars par Monseigneur René Fourrey (Desclée de Brouwer) ainsi que L’art d’avoir toujours raison d’Arthur Schopenhauer (Circé/Poche). L’Association des Amis de la Commune de Paris (créée en mil huit cent quatre-vingt-deux) est présente, qui vend des ouvrages neufs sur le sujet. De beaux cafés donnent envie malgré des façades polluées par les sentences creuses de Miss. Tic.

    A la terrasse de l’un d’eux, en guise d’apéritif, nous buvons un verre de blanc bien frais et quand il est question de déjeuner dehors nous choisissons d’aller Chez les Filles, rue des Cinq-Diamants, où l’on propose un menu entrée plat dessert à quinze euros, excellent ma foi, notamment le travers de porc au miel accompagné de gratin dauphinois. Un cruchon de côtes-du-rhône est posé sur la table. On passe là un très bon moment. Seul bémol : la conversation de nos deux voisines, des institutrices qui ne savent parler que d’école (c’est courant).

    Il fait vraiment chaud quand nous décidons de rentrer. Juste avant de descendre la rue Eugène-Atget pour rejoindre la station Corvisart, je m’encombre d’une pile de numéros du Fou parle, la revue d’art et d’humeur de la fin des années soixante-dix début des années quatre-vingt.

    De retour aux Amiraux, nous parcourons les deux rues concernées par le vide grenier. Ici aussi, on trouve de bonnes choses. J’achète la Correspondance de Franz Liszt publiée autrefois chez Lattès et le cédé Transcriptions d’accentus.

    Une sieste s’impose, après laquelle nous redescendons. On brade avant le remballage. Elle m’offre pour nos repas dans le jardin un plateau orange datant des années où tout l’était. Des exposant(e)s lui font cadeau de boucles d’oreille et d’un moule à gâteau.

    -J’aime bien mon nouveau quartier, me dit-elle.

    *

    Lundi, c’est le dernier jour de beau temps. Elle ne peut en profiter, requise par un travail temporaire. Nous nous quittons dans le métro à Gare du Nord. Je continue jusqu’à Saint-Michel, furète dans les librairies à la recherche d’un numéro de L’Avant-Scène Opéra que cherchent des exilés de ma connaissance, ne le trouve pas, déjeune d’un kebab et passe l’après-midi à lire dans le jardin du Luxembourg.

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  • En compagnie de celle que j’ai rejoint à Paris pour le ouiquennede, j’attends que commence la dixième Nuit Blanche, ce samedi soir d’octobre au temps estival. Assis au bord de la Seine, face à Notre-Dame, nous étudions le programme, constatant que pour les dix ans, rien d’exceptionnel et beaucoup de vidéos.

    Un peu avant sept heures, afin de nous rapprocher de l’Hôtel d’Albret pour participer à Purple Rain de Pierre Ardouvin (performance princière mise en avant), nous traversons le parvis de la Cathédrale où s’en tient une autre, hors programme, sous forme d’ostentatoire procession. Le clergé local en tenue verte et blanche sort du square Jean Vingt-Trois et entre dans le bâtiment qui sent l’encens (celui qui tient la crosse est l’archevêque au nom de futur pape André Vingt-Trois).

    Celle qui me tient la main veut d’abord voir Le Yéti de Fred Sapey-Triomphe. Nous sommes les premiers à pouvoir le faire, dès que s’ouvrent les portes de l’Espace des Blancs-Manteaux. L’animal en fourrure synthétique orange clignotant de milliers de loupiotes rouges sur fond bleu est plus petit que les cinq mètres annoncés. Il nous déçoit mais elle en fait quand même une photo.

    Une erreur d’aiguillage nous mène aux Archives Nationales où se tient l’exposition Fichés ? On en profite pour se faire ficher comme terroristes avec l’aide du Photomaton installé dans le jardin et puis on va voir la pluie. Ou plutôt non, on l’aperçoit de loin par la porte ouverte car nous refusons de nous ajouter à la file d’attente de plusieurs centaines de mètres, et même on se tire du Marais pour réapparaître aux Batignolles.

    Un coup d’œil pour les projections sur deux murs en pignon rue de Rome et nous entrons au lycée Chaptal. Dans les deux cours sont projetées des vidéos devant un maigre public : Ex, le retour de Cuba de Jacques Monory, et The Grand Finale, la récession vue par Karmelo Bermejo. Ce qui me plaît le plus, ce sont les toilettes du lycée, en sous-sol, éclairées à la minuterie, portes qui ne ferment pas et tenace odeur d’urine.

    A pied, on va vers Pigalle, nous arrêtant au Bal où la vidéo et le bar ne nous retiennent pas puis au Théâtre Ouvert de la Cité Véron où le piano mécanique de Katie Paterson ne nous donne pas envie de nous asseoir.

    Nous faisons une courte apparition à La Machine, l’ancienne chaufferie du Moulin Rouge (le lieu et la vidéo de Douglas Gordon Henry Rebel Drawing ne nous enchantent guère) et nous n’entrons même pas aux Trois Baudets pour la vidéo d’Elodie Pong Je suis une bombe (le vigile veut que nous passions par le détour des barrières de sécurité alors qu’il n’y a personne).

    La foule est dans les rues et aux terrasses, n’ayant rien à faire de la Nuit Blanche, lui préférant l’habituelle Nuit Saoule du samedi. Notre dernière étape est pour Still Life de Jean-François Bouchard, projection de photos sur le mur du terrain de basquette de la rue Duperré. On y voit une série de visages de poupées érotiques assorties des commentaires en anglais de leurs propriétaires.

    En définitive, rien d’autre à voir dans cette Nuit Blanche déclinante que ce qu’on trouve habituellement dans les galeries bien connues de la capitale. Lassés, à la station de métro de la place homonyme, nous prenons le premier pour chez elle.

    *

    Hôtel d’Albret. Un quidam, considérant les quelques qui se promènent sous la pluie pourpre protégés par des parapluies translucides, demande si c’est gratuit.

    « Qui payerait pour se balader sous la flotte ? » s’entend-il répondre.

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  • Midi, samedi de l’autre semaine, à peine suis-je installé à ma terrasse rouennaise préférée qu’arrivent Monsieur et Madame Débordé(e) et leurs enfants courant : « Félix, je te jure que t’as intérêt de m’écouter ! ». Les parents crient et s’assoient, les moutard(e)s crient, courent et grimpent. Les rejoint Monsieur Divorcé avec les deux siens. Tandis que les premiers s’époumonent, le second joue au père copain, offrant à sa descendance des crêpes achetées en face et mangeant la sienne comme un porc bien qu’il ait un profil de cheval. J’essaie de lire la correspondance de Truman Capote en regrettant que ces deux trentenaires aient un jour cessé de l’utiliser.

    Le mardi suivant, à la même heure, au même endroit, que vois-je arriver ? Madame Débordée avec ses moutard(e)s et une pas à elle, la faute à la grève des enseignant(e)s. J’en suis toujours à lire Capote et de son côté, c’est comme l’autre fois : « Félix, descend ! » « Lâche-moi, Adèle ! » « Louis, non ! »

    Il existe pourtant à Rouen, depuis plusieurs mois, un café des Mouflets, rue Beauvoisine.

    *

    -Monsieur, vous avez un très beau mur.

    -Merci, on ne m’avait encore jamais fait ce compliment, dis-je à la jolie jeune femme.

    Ils sont trois dans ma ruelle : une femme vêtue d’une robe chic appuyée contre mon joli mur, un homme qui la photographie et celle qui m’a adressé la parole. Elle m’explique qu’il s’agit de faire de la publicité pour la boutique de vêtements de location qu’elle vient d’ouvrir rue aux Ours.

    *

    Une branlotine, rue Eau-de Robec :

    -Ah la la, c’est terrible ce qui m’arrive. Je suis vraiment amoureuse de mon chéri, mais ce mec il me sort pas de la tête.

    *

    Deux branlotins, rue aux Juifs :

    -Cette fille, elle parle à personne.

    -Ben ouais, au début je croyais que c’était une intello.

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