•             Samedi est un nouveau jour de ciel gris et de mouillasse. Le matin, je parcours les allées du mélange de brocante et de vide grenier qui se tient sur la place des Fêtes dans le dix-neuvième où m’a conduit la ligne de métro numéro sept bis que j’ai rarement l’occasion de prendre puis fais de même place Jacques-Demy dans le quatorzième où une dame explique que ce qu’elle aime dans le vide grenier c’est qu’un objet n’ayant aucune valeur pour qui le vend est rempli d’importance pour qui passe. Ce n’est pas le cas pour moi aujourd’hui.

                A pied, je rejoins le boulevard Saint-Michel puis traverse la Seine afin de déjeuner à volonté dans ce petit restaurant chinois de la rue de la Verrerie où plus d’une fois j’ai mangé en compagnie de celle qui se réveille à New-York et à qui je songe. Je commande un pichet de vin blanc et pour le reste que ma volonté soit faite.

                La ligne quatorze me mène ensuite à Pyramides. A pied et par le passage Choiseul j’atteins la maison Book-Off où je passe un assez long moment tranquille jusqu’à ce qu’arrive une mère et son enfant : « On regarde avec les yeux, on touche pas ». Entendre un avertissement de ce genre, c’est être assuré que le moutard va mettre le souk. Ce qu’il ne manque pas de faire. « T’as chaud ? Enlève ton manteau. Tu veux que maman le porte ? ». Jamais je ne m’habituerai à ce qu’une mère parle d’elle à la troisième personne lorsqu’elle s’adresse à sa descendance. Ce moutard entend me déranger une fois de trop. Je refuse de le laisser passer « Bon, viens, c’est pas grave, le monsieur veut pas te laisser passer, on va faire le tour ». Aller faire un tour serait une meilleure idée.

    Quand j’en ressors, je comprends pourquoi cette mère et de son moutard sont entrés dans une librairie. Il pleut franchement.

                C’est néanmoins à pied que je vais à la galerie Vu’ sise au cinquante-huit rue Saint-Lazare dans un hôtel particulier nommé Paul Delaroche. On y expose les photographies de deux artistes surtout connus pour leurs chansons, Nicolas Comment et Gérard Manset, sous les titres Mexico City Waltz et Journées ensoleillées. Le premier montre des images récentes, sorte de safari intime où une jolie brune tient le premier rôle. Le second montre des images de ses voyages anciens dans l’hémisphère sud dont une seule est marquée de la traditionnelle gommette rouge, celle dont la reproduction figure sur la pochette de l’album Revivre (mais toutes ne sont pas à vendre). Dans un cas comme dans l’autre, ces photos ne sont pas inintéressantes mais bien sûr si elles n’étaient pas celles de personnes connues dans un autre domaine, on ne les exposerait pas.

                La pluie tombe toujours quand je quitte la galerie Vu’, plus qu’à rentrer me mettre à l’abri aux Amiraux. Depuis mon retour de vacances, les journées ensoleillées ont disparu.

           *

    Je me demande comment Gérard Manset a fait pour choisir ou accepter un titre d’exposition aussi nul.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Vendredi, après un voyage sans histoire, j’arrive à la gare Saint-Lazare elle aussi rénovée. Pour rejoindre la ligne douze du métro, j’ai la désagréable impression de devoir passer par le centre commercial rouennais des Docks Soixante-Seize, mêmes boutiques clinquantes et vulgaires, mêmes escaliers mécaniques pour aller d’un niveau à l’autre. Le contraste est brutal quand on rejoint le couloir du métro, vieilli et crade.

    Mes affaires déposées aux Amiraux, je repars par la ligne quatre et descends à Saint-Michel pour me rendre à la bouquinerie anglaise de la rue de la Parcheminerie où j’espère me débarrasser de quelques livres écrits dans la langue de Shakespeare. Il est difficile d’y entrer, les livres envahissent tout l’espace. Ce n’est pas encore comme chez Joseph Trotta à Rouen mais ça en prend le chemin. Je me faufile et trouve le bouquiniste en conversation avec une dame qui en vend également. Cette femme vante son travail d’institutrice pour enfants en difficulté, que deviendraient-ils sans elle, il serait temps que l’on reconnaisse sa valeur, pour ça un changement de couleur politique serait nécessaire. Elle ne cesse de me regarder, souhaitant que je l’approuve, ce que je me garde bien de faire. J’ai horreur de ces bonnes sœurs laïques qui pourraient donner à certains l’envie de voter à droite.

    Peut-être pour la faire taire, le bouquiniste lui propose un thé. Pendant qu’elle boit, il s’occupe de mes livres, me les échange contre un peu d’argent, plus qu’il m’en faut pour payer mon kebab habituel qu’un peu plus tard je mange près d’un couple d’Asiatiques. Un chat venu de je ne sais où traverse la salle. Mes deux voisins sont horrifiés. Elle monte presque sur la table, lui se précipite pour fermer la porte dès que le chat est sorti. Un rat ne m’aurait pas fait plus d’effet.

    En début d’après-midi, je pousse la porte de la galerie Nabokov, place Dauphine, entre Préfecture de Police et Louvre, où expose le Tampographe Sardon. Alexis Nabokov discute avec un couple bien mis qui connaît déjà le travail de l’artiste et l’apprécie, même si parfois il est un peu trop malpoli.

    Alexis Nabokov leur présente les œuvres exposées, essentiellement des accumulations de tampons sous verre, encadrées et accrochées au mur. Chacune vaut trois mille euros, pas mal sont déjà vendues. « Quarante-quatre ans, il est temps qu’il gagne un peu d’argent, dit le galeriste, c’est pas terrible l’endroit où il vit ». Le monsieur et la dame le savent pour avoir lu son blog. Elle propose même à son mari d’y passer, ce serait amusant, rue du Repos, afin d’acheter le permis de siffloter au théâtre qui lui fait envie.

    Tant il est vrai, me dis-je, sorti de là et traversant la place Dauphine, que les artistes, d’où qu’ils viennent et quoi qu’ils fassent, s’ils ont un peu de talent, finissent toujours dans les salons bourgeois.

    *

                Préfecture de Police : une voiture de police en travers de la rue, un policier pistolet mitrailleur en main debout contre la portière, la circulation arrêtée, des motos à gyrophares bleus prêtes à bondir, un fourgon cellulaire sortant à grande vitesse, le policier saute dans la voiture qui suit le mouvement, tout cela sous les yeux de touristes interloqué(e)s dont l’une demande aux autres : « Il n’y avait quand même pas une personnalité à bord ? »

               *

                Obligé de les vendre à Paris mes livres en anglais, aucun bouquiniste rouennais n’en a voulu, je suis pourtant sûr qu’il y avait client pour le Tristram Shandy de Laurence Sterne et le Journal de Samuel Pepys dans la langue de leurs auteurs.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Jeudi vers dix-sept heures trente, il tombe une drache d’enfer qui heureusement se calme avant dix-huit, ce qui me permet de gagner le Musée de la Céramique au sec. Il y a déjà foule dans la cour de l’hôtel d'Hocqueville où il a ses aises. Je tente d’entrer dans le bâtiment mais non il faut d’abord entendre les discours célébrant la rénovation dudit. Arrivent Bernard Ollier et sa bonne fée, point revus depuis l’exposition du Musée des Arts Décoratifs de Paris il y a plus d’un an. Nous causons jusqu’à ce que Valérie Fourneyron, Députée Maire, prenne la parole.

    Après avoir fait l’historique de l’hôtel d’Hocqueville, lequel abrita la Police Nationale sous Vichy puis le Conservatoire en des temps meilleurs avant de se voir confier la céramique rouennaise, elle remercie toutes les personnes remerciables, grâce à qui ce Musée peut aujourd’hui se prévaloir de l’excellence (l’excellence est désormais au bout de tous les discours officiels). Elle conclut avec la citation d’un spécialiste pour qui la céramique de Rouen est la première au monde.

    La Présidente des Amis des Musées enchaîne en se félicitant d’avoir financé par son mécénat l’achat d’un vaisselier et d’un plat trouvé sur Ebay puis c’est le tour de Sylvain Amic, Directeur des Musées de Rouen, puis c’est enfin Audrey Gay-Mazuel, conservatrice chargée du Musée de la Céramique. Les trois précédents ont laissé entendre qu’elle a du caractère. Cela semble en effet le cas. Nous sommes invités à pénétrer dans le rénové Musée mais, certains planchers ne pouvant supporter plus de quarante personnes, on devra le faire par vagues successives. Il ne m’en faut pas plus pour décider que cela peut attendre.

    Sous le ciel incertain, tandis que tombent quelques gouttes, je fais partie de celles et ceux qui se dirigent vers le buffet. Un verre de champagne en main, un petit four en bouche, je considère les présent(e)s, presque tou(te)s de la bourgeoisie bourgeoiseante et pour la plupart électrices et électeurs de Sarkozy dont la Sénatrice Morin-Desailly qui aura soutenu ce Président d’extrême droite jusqu’au bout.

    *

    Vendredi matin, je suis à la gare où j’attends le train pour Paris. Quatre vieux travailleurs (des vrais) discutent du deuxième tour. L’un d’eux raconte comment il a bidouillé l’affiche officielle de Sarko, transformant son slogan en « La France forte pour le virer le 6 mai ».

    Partager via Gmail Yahoo!

  • La saison deux mille onze deux mille douze du Musée des Beaux-Arts de Rouen est blanche, aucun évènement d’importance, juste deux petites expositions montées en épingle, l’une des dessins du Parmesan empruntés à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, l’autre autour de la restauration du tableau de David La Vierge parmi les vierges. L’an prochain, ce sera la kermesse Normandie Impressionniste de Laurent le Fabuliste, une autre année de foutue.

    C’est donc pour revoir la collection permanente que ce mercredi je m’y présente, profitant de la gratuité offerte pendant les vacances dites de Pâques. Après m’avoir donné un ticket, la dame de l’accueil me confisque mon parapluie.

    Je vais de salle en salle croisant surtout des touristes, me trouve seul avec La Vierge parmi les vierges. Je regarde à loisir les dix beaux visages des jeunes filles, ceux de la mère de Jésus, des deux anges, de la veuve Lambyn (qui a offert le support en chêne) et du peintre lui-même.

    Ailleurs, je m’attarde devant un nouveau venu, me semble-t-il, L’amour aiguisant ses flèches de Robert Lefèvre, montrant un joli jeune homme ailé nu qui aurait beaucoup plu à André Gide et Henry de Montherlant, puis je passe saluer mes tableaux préférés dont j’ai déjà maintes fois parlé. Alors que je m’approche de la salle du Jubé pour y revoir Les énervés de Jumièges surgit une fille dans le style mannequin. Habillée de blanc, montrant ses longues jambes et sa froideur, elle se prépare à être l’objet des photographies de trois jeunes hommes.

    Je demande à l’un des gardiens de quoi il s’agit. « Je ne sais pas précisément, me dit-il, mais c’est dans le cadre d’un échange culturel. »

    La culture a parfois de jolies jambes, me dis-je un peu plus tard, alors que je récupère mon parapluie.

    *

    Au Socrate où je bois un café deux filles caressent leurs téléphones.

    L’une à l’autre :

    -Il m’a envoyé un message. Je vais te le lire. « Je t’estime beaucoup. » C’est quoi estime ?

    *

    Ce type que les votant(e)s de droite et d’extrême droite ont choisi comme Président de la République en deux mille sept, le voici qui affirme n’avoir jamais parlé du « vrai travail » alors qu’on peut l’entendre prononcer cette ridiculité maintes fois sur les vidéos de son discours de Saint-Cyr-Sur-Loire. C’est vraiment un grand malade. Il n’y a pas que les juges qui devraient se pencher sur son cas, les psychiatres aussi.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • J’en connais certain(e)s qui trompé(e)s par le score abusivement gonflé donné dimanche à vingt heures par l’institut de sondage Hip Sauce pensent qu’une personne sur cinq croisée dans la rue a voté F Haine.

    Ben non, le score de la fille Le Pen est de dix-sept virgule neuf. En tenant compte de l’abstention et des bulletins nuls et blancs, on descend à treize virgule quatre-vingt-quinze.

     Une seconde correction devrait inclure celles et ceux, nombreux, qui ne sont même pas inscrits sur les listes électorales.

    En définitive, seule une personne sur dix doit avoir voté Le Pen. On peut encore sortir dans la rue sans croiser trop souvent l’un ou l’une de ces pue de la tête.

    *

    Incidemment, j’apprends que la fille Le Pen ne se prénomme pas Marine mais Marion. Plus qu’à remplacer « La France Bleu Marine » par « La France Marion Dinde ».

    *

    Le fantasme de la viande hallal servie dans les cantines scolaires excite l’extrême droite sarkoziste et lepeniste qui ne s’offusque pas du poisson servi tous les vendredis dans ces mêmes cantines pour obéir au dogme catholique.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Lundi, je regarde de près la carte du résultat du premier tour de l’élection présidentielle présente sur le site de Libération. La grosse tache noire en bas, c’est le Gard où la fille Le Pen est arrivée première. Les autres départements sont rouges (Hollande) ou bleus (Sarkozy). A l’intérieur de chaque département, pour les communes, on retrouve les mêmes couleurs avec de-ci de-là une rare touche de orange (Bayrou) ou de mauve (Mélenchon).

    La Seine Maritime est parsemée de points noirs. Un tas de patelins ont voté d’abord pour le F-Haine et pas qu’un peu. Ainsi Penly à trente-quatre virgule trente-neuf pour cent, au point qu’on pourrait penser que les radiations nucléaires détruisent une partie des neurones du cerveau. Eh non, des scores du même ordre apparaissent loin de la centrale.

    Le trio gagnant est constitué de Saint-Agathe-d’Aliermont (trois cent dix-sept habitants en deux mille neuf) qui a voté Le Pen à quarante-deux virgule trente-cinq pour cent, Guilmécourt (deux cent quatre-vingt-six habitants en deux mille neuf) qui a voté Le Pen à quarante-cinq virgule neuf pour cent et La Bellière (cinquante-six habitants en deux mille neuf) qui a voté Le Pen à quarante-huit virgule soixante-dix-huit pour cent.

    Il ne faut pas s’en inquiéter, les électeurs du Front National sont des électeurs comme les autres, des braves gens qui ne sont pas racistes, c’est ce qu’il convient de penser désormais, ce que dit et répète par exemple Elisabeth Lévy, rédactrice en chef de Causeur, invitée des Matins de France Cul ce mardi. Elle a la même voix que la fille Le Pen.

    *

    Que les électeurs de la fille Le Pen soient de braves types, c’est l’une des deux bonnes nouvelles du moment, l’autre c’est que l’on a enfin la définition du vrai travail. Sarko, le parvenu de Neuilly, l’a donnée hier après-midi à Saint-Cyr-sur-Loire : «Le vrai travail, c'est celui qui a construit toute sa vie sans rien demander à personne, qui s'est levé très tôt le matin et s'est couché très tard le soir, qui ne demande aucune félicitation, aucune décoration, rien. Le vrai travail, c'est celui qui se dit « oh, je n'ai pas un gros patrimoine, mais le patrimoine que j'ai, j'y tiens, il représente tant de sacrifice, tant de souffrances, j'ai trimé pour ce vrai travail (...) ce patrimoine-là, on ne me le volera pas ». C'est celui qui dit « toute ma vie, j'ai travaillé, j'ai payé mes cotisations, j'ai payé mes impôts, je n'ai pas fraudé, et au moment de mourir je veux laisser tout ce que j'ai construit à mes enfants sans que l'Etat vienne se servir » en pensant à tous ses week-ends et vacances sacrifiés.»

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Lecteur quotidien du site de La Tribune de Genève, c’est sur celui-ci que j’apprends progressivement le résultat du premier tour de l’élection présidentielle : Hollande en tête, la fille Le Pen à près de vingt pour cent et Mélenchon dans les choux.

    A vingt heures, je mets Téheffun qui confirme. Ce choix de chaîne est motivé par la présence du Pernaut à Louviers, ville natale. Dix Lovériens et Lovériennes sont installé(e)s en plein air malgré le froid, sous une hallette contemporaine. Engoncé(e)s dans leurs manteaux, elles et eux commentent les résultats. Il faut donner la parole au peuple, paraît-il. Je n’entends que les banalités d’usage. Les choses sérieuses se passent à Paris, autour d’une table où s’engueulent les politicien(ne)s sous la direction de la Ferrari et de la Chazal, toutes deux blondes et habillées en blanc, d’où mon impression de voir double, et comme toutes les femmes blondes d’un certain âge ressemblent peu ou prou à la fille Le Pen, c’est vraiment pénible. J’éteins d’un coup de zapette, préférant retrouver France Culture.

    *

    La raison de la présence de Téheffun à Louviers : on y vote comme la moyenne des Français(e)s. Le temps est loin où l’on y élisait aux municipales l’extrême gauche libertaire.

    *

    Bien content d’habiter une ville (Rouen) où la fille Le Pen ne fait que onze pour cent. Ce serait encore mieux si c’était six pour cent comme à Paris.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Ce dimanche matin, le jeune homme zigzagant que je croise rue de la République me salue d’un pâteux « Bonne soirée », c’est dire s’il est tôt. Au lever du soleil, j’arrive à Aubevoye (Eure), près de Gaillon, deux noms connus des usagers de la ligne ferroviaire Rouen Paris. Il s’y tient un vide grenier de deux à trois cents exposant(e)s si j’en crois les organisateurs, ce pourquoi je l’ai préféré à celui de Montville (Seine-Maritime).

    La désillusion m’attend. Vendeuses et vendeurs ne sont qu’une quarantaine dont je fais vite le tour. L’homme à gilet orange à qui je fais remarquer la différence entre le virtuel et le réel m’explique que l’an dernier ce vide grenier se tenait en septembre sur la grand route et qu’il y avait bien trois cents exposant(e)s. Cette année, c’est sur un parquigne, en avril, pendant les vacances de Pâques, le jour des élections et la pluie menace. J’en repars bredouille.

    Sur le chemin du retour, je fais un crochet par Quévreville-la-Poterie (Seine-Maritime) où l’on vide également les greniers. De cinquante à cent exposant(e)s sont annoncé(e)s. Il n’y en a qu’une vingtaine et je n’y trouve rien de plus qu’à Aubevoye. Aucun gilet orange n’est là pour m’expliquer la contre-performance.

    Les premières gouttes tombent sur mon pare-brise à Amfreville-la-Mivoie. Il est encore tôt lorsque j’arrive à Rouen, n’ayant donc pas perdu toute ma matinée.

    *

    A considérer l’omniprésence des affiches du tribun Mélenchon et de la fille Le Pen sur le bord des routes de l’Eure et de la Seine-Maritime, on pourrait croire qu’il n’y a que deux candidats à cette élection présidentielle deux mille douze dont je snobe le premier tour.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Le temps est passé où l’on asseyait dans le fauteuil chez le dentiste. Désormais, c’est couché sur le dos que l’on ouvre la bouche. Ce que je fais ce vendredi matin, conscient d’être à la merci de l’homme de l’art. Celui-ci découvre assez vite que la vague douleur sourde dont je me plains cache des dégâts importants : une double carie sur une dent à trois racines. Il faut creuser. La douleur arrive rapidement. Quand il s’agit d’endormir, ça résiste, d'où plein de piqûres avec de longues aiguilles.

    Le lieu d’intervention enfin engourdi, il s’attaque au tuage des nerfs et puis opère un rebouchage provisoire. Pendant tout ce temps, son assistante maintient fermement le tuyau qui sert à aspirer ma salive, un désagrément qui s’ajoute aux autres. Pour arranger le tout, je ne peux pas ouvrir grandement la bouche, ce qui pose des problèmes supplémentaires à chacune de mes visites.

    Je ne sais pour quelle raison cette bouche ne peut pas s’ouvrir à fond, impossible d’y enfourner une banane. Si les hasards de la vie avaient fait de moi un homme qui aime les hommes et que mon amant fut normalement constitué, je me sentirais bien petit garçon pour causer avec lui (comme aurait pu écrire Pierre Louÿs). 

    « Sans rancune, j’espère » me dit l’homme en blanc que je dois revoir le quinze mai. Ce sera moins terrible, me promet-il.

    *

    Une bonne nouvelle : la sortie chez Bouquins/Laffont de l’Oeuvre érotique (mille pages, trente euros) de Pierre Louÿs dont on connaît surtout le Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation (simple échantillon : Ne dites pas: "Sa pine est trop grosse pour ma bouche." Dites: "Je me sens bien petite fille quand je cause avec lui.)

    Deuxième bonne nouvelle : la parution au Mercure de France d’un inédit de Paul Léautaud, le Journal particulier 1935 (trois cent quarante-six pages, vingt-deux euros cinquante). Extrait :

    En marchant dehors, je lui dis que je [ne] me tiens plus d'envie de faire l'amour, que j'enfilerais toutes les femmes dans la rue. Une religieuse passe, vient vers nous. Elle me dit en me la montrant: «Même la religieuse?» Je lui dis: «Non! Pas celle-là, en tout cas. J'ai besoin d'un certain visage.»

    Moi qui, il y a peu, disais que je n’achetais jamais de livre neuf, ne vais bientôt plus pouvoir le dire.

    *

    « Le temps n'est plus aux cathédrales du livre » disait Valérie Fourneyron, Maire de Rouen, future Ministre des Sports, pour tenter de justifier la destruction de la Médiathèque de Rouen finalement transformée en boîte à archives avec l'aide du département de Seine-Maritime, lequel département va bientôt inaugurer à Notre-Dame-de-Bondeville (m’apprend Tendance Ouest) son « nouveau temple du livre », (trois mille trois cent soixante-dix mètres carrés pour trois cent mille documents). Cela est d’une logique toute socialiste.

    *

    Autre histoire rouennaise : on aurait vu Laurent Fabius (potentiel futur Ministre des Affaires Etrangères) dans le métro. Vérification faite, il y était bien. Il s’agissait de montrer aux journalistes qui se laissent convoqués, la nouvelle rame toute blanche. Que l’on se rassure, il a depuis retrouvé la voiture.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Ce jeudi soir, c’est en transport en commun et prudemment muni d’un parapluie que je prends la route de Darnétal. Je descends à l’Ecole d’Architecture et suis la pente de la rue Lucien-Fromage jusqu’au troisième panneau stop. A droite, au bout de l’impasse des Marais de Carville, se trouve le Théâtre de l’Echo du Robec où je ne suis jamais venu, un beau bâtiment de briques, anciennement teinturerie, près duquel coule bruyamment le Robec.

    Johan Asherton est à l’extérieur, il discute avec ses amis. J’entre et retire ma place à tarif réduit, bénéfice de mon grand âge, auprès d’une dame qui y aurait droit aussi. Elle me fait remarquer que je suis en avance. L’un des responsables offre un café à deux des musiciens et m’en propose un que j’accepte.

    Bien d’autres profitent du prix senior, pour partie le public habituel de ce théâtre dont la programmation va du Malade imaginaire en janvier au Malade imaginaire en juin, pour partie le public habituel de Johan Asherton. Quelques plus jeunes sont quand même présent(e)s. Deux dames à cheveux orange entrent bruyamment, parlant d’Untel qui les dégoûte et est malsain et d’Unetelle qui a un cancer et à qui on vient de retirer trente-six centimètres d’intestin. Arrive l’homme au chapeau qui me présente l’un de ses amis avec qui je pourrai rentrer en voiture.

    Celui qui déchire mon billet nous annonce que l’œil du prince est la place centrale du quatrième rang. Ce fauteuil ne peut être mien : un sac en cuir et un blouson de la même peau l’occupent afin que nul ne s’y assoit. Il ne faut pas gêner l’homme à la caméra situé juste derrière. D’autres filmeurs et des photographes sont postés au premier rang. A la droite de l’homme au chapeau, deux rangs plus bas, je reconnais Seb Petit, la bénédiction des artistes, caméra appareil photo en main, prêt à réaliser les images qu’on verra peut-être demain sur YouTube.

    La salle est quasiment pleine quand Johan Asherton entre en scène. Je ne connais qu’un peu ses chansons, n’ayant fait sa connaissance musicale que récemment grâce à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier où, il y a un mois ou deux, j’ai gagné un exemplaire de son cédé collector (comme on dit) Diary of a Perfumed Clown (The Legendary « God’s Clown » Album Recording-Sessions), un cédé fait pour les Japonais(e)s.

    Johan Asherton est un paisible géant qui chante en anglais et joue de la guitare assis. Sa voix rappelle celle de Leonard Cohen et son répertoire mêle compositions personnelles et reprises qui font voyager dans les United States des années Dylan. Ses amis musiciens viennent au fil du spectacle lui tenir compagnie assis, dont l’un à la mandoline. La seule à être sur ses deux jambes est la jeune choriste Eléonore Chomant, accessoirement sculpteuse de ses cheveux.

    C’est une bonne soirée qui me fait songer à celle qui travaille à New York, des chansons tristes qui me rendent un peu moins triste. Je rentre dans la voiture de l’ami de l’homme au chapeau. Il nous laisse place Cauchoise. Je poursuis à pied en suivant la pente de  la rue du même nom où comme c’est jeudi les étudiant(e)s boivent de la bière en faisant du bruit.

    *

    Eléonore Chomant sait aussi chanter toute seule et bien. J’en ai vu des images, filmées il y a un certain temps par Seb Petit dans une église normande. Depuis, jamais je n’ai vu son nom à l’affiche d’un concert. On me dit que la musique n’est pas sa priorité.

    Partager via Gmail Yahoo!





    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires