• Trois mois que certains des tableaux rouennais de Paul Gauguin sont accrochés au Musée des Beaux-Arts de la capitale de la Haute-Normandie et comme je ne sais pas grand-chose sur le court séjour ici du peintre, je regarde dans ses Lettres à sa femme et à ses amis ce qu’il en dit mais, las, aucune missive de mil huit cent quatre-vingt-quatre dans le livre publié aux Cahiers Rouges chez Grasset.

    Ce que je sais, c’est que Gauguin ne fut guère heureux à Rouen, au cinq de l’impasse Malherne (qui porte maintenant son nom) avec sa femme Mette, souvent qualifiée de froide Danoise.

    Il ne le fut pas forcément davantage vers la fin de sa vie à Tahiti et aux Marquises, cependant il eut là-bas de bons moments. Retour à la correspondance avec les lettres adressées à ses amis Emile Schuffenecker, Charles Morice ou Daniel de Montfreid : « Toutes les nuits des gamines endiablées envahissent mon lit ; j’en avais hier trois pour fonctionner… » (novembre mil huit cent quatre-vingt-quinze), « « Je vis avec cent francs par mois, moi et ma vahiné, une jeune fille de treize ans et demi… » (avril mil huit cent quatre-vingt-seize) ou encore à Alfred Valette, directeur du Mercure de France : « Ma nouvelle épouse se nomme Téhura, elle a quatorze ans, elle est très débauchée, mais cela ne paraît pas, faute de point de comparaison avec la vertu.» (juillet mil huit cent quatre-vingt-seize).

    A partir de là, c’est au choix : ou bien dénoncer l’horrible pédophile ou bien se réjouir pour lui qu’il ait vécu il y a plus d’un siècle.

    *

    Je savais déjà que Sarkozy est un nom trouvable chez les Roms. J’apprends vendredi matin en écoutant la revue de presse de Cécile de Kervasdoué sur France Culture son étymologie : « qui vient de la boue ».

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    Rouen, rue Eau-de-Robec, vendredi midi, une fille à sa copine : « Oh, comme ça me fait trop plaisir de se retrouver au Son du Cor à boire une bière et à manger un sandouiche le jour de mes dix-huit ans ! »

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  • J’ai du mal avec le Théâtre des Deux Rives depuis qu’il est devenu Centre Dramatique Régional de Haute-Normandie avec pour directrice Elisabeth Macocco qui fait écrire son nom le plus souvent possible dans son luxueux programme.

    J’y suis néanmoins ce jeudi soir pour la présentation de la saison deux mille dix deux mille onze, attendant au pied de l’escalier entouré de gens de mon âge. Arrivent quatre musiciens qui précèdent le public dans la montée des marches, un côté joueur de flûte de Hamelin assez déplaisant.

    Je m’assois dans mon fauteuil préféré. Des jeunes comédien(ne)s, apprenti(e)s dans la maison, envahissent la salle et la scène puis madame la directrice apparaît. Elle remercie les tutelles (oui, le théâtre est sous tutelle) et regrette que le Grand Théâtre promis pour transformer le Centre Dramatique Régional en Centre Dramatique National ne soit toujours pas à l’horizon. Elle en parlera dans une réunion prochaine avec les tutelles (je ne vois pas comment une municipalité qui a renoncé à une Grande Bibliothèque aurait envie d’un Grand Théâtre) puis elle enclenche la lecture, agrémentée de vidéos, du nouveau programme dans lequel je devrais trouver trois spectacles m’intéressant assez pour m’abonner cette année. Elle est aidée par Catherine Dewitt, comédienne chargée de la formation, avec qui elle échange des blagues téléphonées.

    A la fin, les quatre musiciens reviennent pour quelques morceaux de leur répertoire (il s’agit essentiellement de musique juive d’Europe de l’Est) puis on se retrouve autour d’un buffet. Le vin rouge est plutôt bon et les choses à grignoter aussi. Je demande à l’un des musiciens le nom du groupe qu’on a mal entendu quand Elisabeth Macocco l’a annoncé. Il s’agit de Vent d'Ouest Klezmer Band, orchestre sympathique qui ne se prend pas au sérieux contrairement à tant de gens de théâtre.

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    J’attends le dernier moment pour réserver une place gratuite pour le Henry VI de Shakespeare par la Piccola Familia à l’Abbatiale Saint-Ouen, spectacle gratuit siglé Journées du patrimoine et bien sûr il n’y en a plus. Sans doute n’avais-je pas vraiment envie d’assister à un spectacle patrimonial.

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    Cette année à Rouen, c’est fâcheux, les Journées du patrimoine n’ont plus de Dessous.

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    Il y a bien Patrice Quéréel qui fait une visite pipi caca de la ville mais dans ce cadre institutionnel, pas envie de scatologie. Un trublion qui trublionne officiellement n’est plus un trublion.

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  • Jeudi matin, à l’heure où je sors de chez moi un énorme marteau-piqueur s’attaque aux fondations de feu le Palais des Congrès, tandis qu’un deuxième engin un peu moins bruyant se fait entendre dans la Cour d’Albane, là où Madame le Maire de Rouen aménage, derrière des palissades, le jardinet destiné à faire oublier celui qu’elle avait imprudemment promis à la place du complexe Monet Cathédrale. Pendant ce temps, sur le parvis, des ouvriers démontent l’échafaudage ayant servi à la restauration du portail central de la Cathédrale dont il reste des parties non rénovées, toujours derrière leurs filets.

    Fuyant le bruit et le danger de se faire heurter par un engin ou un camion, je franchis la Seine. Boulevard Clemenceau, je longe les nouvelles toilettes municipales gratuites, non encore raccordées au réseau. Comme les poubelles de rues, ces affreux cubes gris semblent provenir d’un stock des anciens Pays de l’Est. Autant dire qu’elles ont peu à voir avec celles de Paris, tout aussi gratuites mais dues au disagneur Patrick Joint

    J’arrive place des Emmurées. Sous le toit du parquigne, les brocanteuses et brocanteurs sont dans une semi obscurité depuis un incendie de voitures. Certain(e)s s’éclairent tant bien que mal avec des lampes de bureau. Aucun espoir d’une réparation de l’éclairage public, me dit l’un d’eux, le parquigne doit être détruit dans un avenir plus ou moins proche et nous, on ne sait pas où on ira.

    Peu de livres dans le bric-à-brac ce matin, j’achète Libération à la Maison de la Presse, repasse par chez moi, puis après un crochet par la bouquinerie du Rêve de l’Escalier pour y rapporter un cédé de Philip Glass acheté la veille et présentant un défaut, je suis à dix heures trente au Tribunal Administratif, avenue Flaubert, afin de soutenir une famille rouennaise de Sans Papiers à l’appel du Réseau Education Sans Frontières.

    Nous sommes cinq ou six du Réseau quand entre, à l’heure précise, le Tribunal, lequel commence par l’affaire qui nous intéresse. L’avocate évoque la situation de cette famille tunisienne qui en est à sa troisième Obligation de Quitter le Territoire Français, insistant sur les deux plus jeunes enfants nées en France, dont l’une scolarisée à l’Ecole Marcel Cartier (bien connue de moi), sur la promesse d’embauche en cédéhi (comme chauffeur livreur) du mari, sur les soins que doit donner l’épouse à son père résidant légalement en France depuis mil neuf cent soixante-neuf et malade des suites d’une exposition à l’amiante.

    Le rapporteur public reprend ses éléments, souffle d’abord le froid en les jugeant insuffisants puis le chaud en discutant les textes sur lesquels s’est appuyé le Préfet de Seine-Maritime pour rédiger ses deux Ocutéheffes (une pour le mari, une pour l’épouse). Il en souhaite donc l’annulation et le réexamen du dossier.

    Sans doute le Tribunal le suivra-t-il, nous disons-nous dans la cour à l’issue, mais que décidera le Préfet ensuite ? Peut-être serons-nous encore là dans un an s’il y a une quatrième Ocutéheffe.

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    A La Poste, rue de la Jeanne, pour y acheter des timbres dits de collection. J’attends longuement mon tour. Je demande pourquoi la suppression du guichet Philatélie (où le client était prioritaire pour acheter ses beaux timbres). On me répond que ça prenait trop de temps.  Maintenant, le client attend d’abord puis ça prend autant de temps qu’avant. En vérité, on compte sur son découragement. C’est qu’ils sont casse-pieds ces gens qui ne se contentent pas du timbre courant, et pas rentables. Pas comme ceux qui achètent les mauvais livres disposés dans les présentoirs aux lieux stratégiques dont ceux de la collection Petit Guide. Parmi ces petits guides proposés par le service public neutre et laïc, je note Jean Paul II et La Vierge Marie.

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    La bonne moisson de cédés de Philip Glass que j’ai faite au Rêve de l’Escalier : Two Pages, Contrary Motion, Music In Fifths, Music In Similar Motion et puis « Low » Symphony et puis Koyaanisqatsi et puis Glass Organ Works et puis « Heroes » Symphony et puis le triple music in twelve parts et puis le Piano Solo que j’ai dû rapporter à cause d’une erreur de rondelle mais que j’espère récupérer. Mon avoir en a pris un coup.

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  • « Aujourd’hui, la page des cathédrales de livres est tournée ». Cette ineptie, écrite fin deux mille huit dans le journal municipal Rouen Magazine, avait pour but de justifier le flingage de la Médiathèque signée Rudy Ricciotti par Valérie Fourneyron, Députée Maire de Rouen (inspirée par son mauvais génie Laurent Fabius).

    La future belle et grande bibliothèque de Caen-la-Mer (Bibliothèque Multimédia à Vocation Régionale) sera un bâtiment blanc de cinq étages en forme de croix non orthogonale et irrégulière. Elle est signée Rem Koolhaas, architecte de renommée mondiale qui vient de recevoir le Lion d’Or à la Biennale d’Architecture de Venise et dont l’Office for Metropolitan Architecture (Oma) est basé à Rotterdam.

    On y trouvera une bibliothèque de huit cent dix places assises, cent cinquante mille documents en accès libre, un auditorium de cent cinquante places, un espace d’exposition, un restaurant et un café avec terrasse. Aux extrémités se trouveront les quatre pôles « Sciences et Techniques », « Littérature », « Sciences humaines » et « Arts », lesquels seront tournés vers l’Abbaye-aux-Dames, l’Abbaye-aux-Hommes, la gare ferroviaire et une zone urbaine à venir, le tout éclairé par de vastes baies vitrées et placé à la pointe de la presqu’île. L’ouverture est prévue pour le printemps deux mille quinze.

    Le Député Maire de Caen, Philippe Duron, un socialiste d’une autre envergure que sa collègue rouennaise, voit dans sa cathédrale de livres « le symbole d'un développement urbain d'ambition internationale ».

    J’y vois une bonne raison de voter pour Caen s’il est question un jour de choisir la capitale d’une Normandie unifiée.

    *

    Fabius, que devient-il ? Eh bien, après avoir fait le commissaire d’exposition au Musée des Beaux-Arts de Rouen, le voici devenu critique d’art, qui signe un livre sur la peinture Le Cabinet des douze (Regards sur les tableaux qui font la France) chez Gallimard avec sa photo en couverture devant une Cathédrale de Monet.

    On trouvera ce livre dans les petites bibliothèques de quartier de la ville de Rouen.

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  • Des vide greniers rouennais celui du quartier populaire de la Croix de Pierre est bien le plus sympathique par la grâce de ses habitant(e)s et de ses habitué(e)s, aussi c’est avec déception que nous réveillant tôt ce dimanche, elle et moi entendons sur le toit la pluie prévue.

    Prévue, présente, mais heureusement de courte durée, elle cesse au moment où nous sortons avec le parapluie.

    Pas le moindre humain dans les rues de la ville à cette heure matutinale, du moins jusqu’à ce qu’on arrive dans les parages de l’église Saint-Vivien. Là, cela grouille et l’on s’installe en espérant que le temps tiendra. J’aperçois un premier carton de livres.

    -Je ne pense pas qu’il y ait là-dedans quoi que ce soit qui puisse vous intéresser, me dit le vendeur, jeune homme à lunettes que je ne connais pas.

    Je le considère d’un œil interrogatif.

    -Je suis l’un de vos lecteurs, m’apprend-il.

    Effectivement, rien pour moi dans son carton mais un peu plus loin, j’aperçois un cédé de Dario Moreno. Je demande son prix au vendeur.

    -Je vous l’offre, me répond-il, ce sera ma première béa de la journée.

    Sa fille éclate de rire, cependant qu’il ajoute « Surtout ne le dites pas à ma femme ».

    -Tu l’as payé combien ? me demande celle qui explorait un stand voisin.

    A elle, on a déjà offert cédé ou livre dans des vide greniers. Pour moi, c’est une première.

    Un peu plus loin, tandis qu’elle fait des affaires de son côté, je trouve à nouveau de quoi m’intéresser. Le vendeur est derrière moi, je lui demande combien il vend ce livre de photos de Mapplethorpe.

    -Bonjour Michel, me répond-il.

    C’est un ami de ma fille, plus de vingt ans que je le connais, depuis qu’elle et lui fréquentaient le collège Alphonse-Allais à Val-de-Reuil. Il s’avère qu’il n’a plus de voiture et ne sait comment lui rendre visite en sa nouvelle maison et faire ainsi connaissance avec le bébé. Je lui propose de l’emmener mercredi midi. Nous en revenons à Mapplethorpe. Pas facile d’acheter à quelqu’un que je connais, ni pour lui de vendre. Je lui propose un prix que je juge convenable et bientôt l’ouvrage est dans mon sac.

    Arrive celle qui m’accompagne à qui il demande ce qu’elle a acheté :

    -Des trucs de fille, lui répond-elle.

    Ce n’est pas le seul exposant connu de nous, il en est aussi deux qui vendent à proximité de la Croix de Pierre devant ce qui va devenir une cantine bibliothèque, l’un rencontré au Magasin Général de Tarnac cet été, l’autre côtoyé chez Echelle Inconnue lors de la création du lieu le plus dangereux de France quand la ministre Alliot-Marie voyait des terroristes partout. Ils nous font visiter les lieux actuellement en travaux : belles briques au rez-de-chaussée pour la cantine et la bibliothèque, carrelage blanc à l’étage pour la cuisine. L’ouverture est prévue en novembre et comme le dit celle qui se réjouit autant que moi « Ça manquait vraiment à Rouen ce genre d’endroit ».

    Elle trouve une trousse à quelques centimes qui lui servira à ranger les Rotrings qu’elle a achetés pour sa rentrée à Paris puis m’offre un cédé de Lou Reed en public. J’en achète un de Katerine, cinquante centimes pour le Huitième ciel. Notre dernière découverte est pour elle : deux Taschen consacrés à l’architecture contemporaine et un ouvrage sur Frank Lloyd Wright, cinq euros le tout.

    Il nous reste à entrer dans la Boulange de la Croix de Pierre fâcheusement rebaptisée le Fournil de la Croix de Pierre. Les pâtisseries y sont toujours à un euro. Le choix conséquent ne nous distrait pas de notre habituelle tartelette au citron. C’est ce dessert qui nous met en joie dans le jardin où nous déjeunons avant que je ne la reconduise chez ses parents.

    *

    L’après-midi, seul, j’explore les vide greniers d’Isneauville et d’Amfreville-la-Mivoie, où l’on ne trouve guère de livres (peut-être tous raflés le matin). Quand même pour elle trois poches : L’urbanisme du Corbusier (Champs Flammarion), L’urbanisme, utopies et réalités (Une anthologie) de Françoise Choay et  L’art de bâtir les villes (L’urbanisme selon ses fondements artistiques) de Camillo Sitte (les deux chez Points Essais). Faut qu’elle bosse un peu, quand même.

    *

    Au Crédit Agricole, rue de la Jeanne, mon voisin regarde d’un air navré son distributeur de billets qui vient de lui refuser de l’argent. Il se tourne vers le mien qui ne me refuse rien. Je sens dans ses yeux qu’il trouverait normal que je partage avec lui.

    *

    Suis rassuré pour les habitant(e)s de Penly. En cas d’accident nucléaire, on les conduira en car dans un gymnase près de Dieppe. La répétition a eu lieu la semaine dernière et s’est bien passée (dommage qu’il n’y ait pas eu de gymnase près de Tchernobyl).

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  • Pas trouvé le temps de retourner jeudi après-midi au Tribunal Administratif où un étudiant sans papiers avait besoin de soutien, un vendredi après-midi comblé par la visite surprise de celle qui étudie à Paris et c’est déjà samedi matin où, levé extrêmement tôt, je prends le chemin des Andelys.

    J’y arrive avant le lever du jour. Juste après le pont sur la Seine, le Château Gaillard surgit dans le noir, inquiétant. Je tourne à gauche au rond-point et me gare à la première occasion, pas envie de payer deux euros cinquante dans l’un des lieux de parcage officiels.

    A pied, je me dirige vers le centre de la ville et suis accueilli par les gendarmes comme chaque année. Le vide grenier des Andelys est réputé le plus important de France après Lille, mille trois cents exposant(e)s annoncé(e)s.

    J’évite le boulevard où sont concentrés les professionnel(le)s, cherchant mon bonheur dans la rue commerçante et les adjacentes où déballent les vendeurs et vendeuses d’occasion. J’y erre sans trouver de quoi me satisfaire. J’ai tellement de livres que bien souvent ceux que je trouve, je les ai déjà, ma mémoire défaillante étant compensée par le recours aux deux carnets sur lesquels tous sont notés.

    Le jour est bien levé, le ciel ensoleillé, tout le monde installé. Me sautent aux yeux (comme on dit) les nombreuses places restées vacantes. Nanties d’un numéro collé sur les trottoirs, elles obligent à de longs déplacements inutiles qui allongent d’autant les kilomètres à parcourir. Nous sommes loin des mille trois cents, ce samedi matin.

    Vers neuf heures, la sono se met à diffuser la plus normande des radios, qui accable le public avec des chansons d’Adamo et d’Hallyday. Un animateur somme les mal garés de déplacer leur véhicule sous peine de fourrière. Il donne la parole à Monsieur le Commissaire Général : « J’vous préviens, vous devez mettre sur votre stand l’étiquette qu’on vous a donnée quand vous avez payé. J’vais passer, ceux qui auront pas d’étiquette, c’est simple, j’les fais dégager », un peu de Johnny, un peu de Salvatore, retour du Commissaire Général : « Il fait beau, on est de bonne humeur, et là on me téléphone pour me dire que deux exposants sont en train de se battre. On m’connaît, je vais y aller et ça va riper ».

    Je quitte Les Andelys pour un lieu moins craignos, Poses, où le vide grenier des bords de Seine n’est pas aussi important que l’an dernier, puis rentre à Rouen.

    Après déjeuner, je visite le tout nouveau déballage de la rue Cauchoise, décevant lui aussi.

    Ce qui montre que je ne trouve pas toujours ce que je ne cherche pas.

    *

    Achetant un fromage au Marché U de la place du Vieux, je suis confronté à une vitrine sous clé. Près des caisses, là où dans d’autres supermarchés on trouve des bonbons à achat impulsif, sont proposés des vins à deux cent quatre-vingt-dix-neuf euros, trois cent quarante-cinq euros, etc. C’est peut-être dans ce genre de boutique qu’à Caen, Michel Onfray, le démago philosophe, achète son vin. Quinze mille euros de grands crus stockés dans la cave du père de sa compagne lui ont été dérobés, apprends-je avec retard.

    *

    A la Poste, rue de la Jeanne, je découvre que le guichet Philatélie a disparu, plus moyen d’être prioritaire pour acheter les timbres dits de collection destinés à embellir ma correspondance. Dans cette maison, chaque changement c’est une possibilité en moins.

    *

    Un garçon en terrasse au Son du Cor : « J’ai eu du mal à savoir qui avait pris cette décision, moi ou ma conscience. »

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  • Ainsi débarqua-t-il un jour sur l’un des quais de la gare Saint-Lazare, celle qui plonge ses racines dans le terreau fertile de la Normandie… écrit Gil Jouanard qui préface la réédition Phébus Libretto du Paris de Jean Follain, né à Canisy dans la Manche, connu autrefois pour ses poésies, assez oublié aujourd’hui. Je viens de lire dans le train la première moitié de ce Paris datant de mil neuf cent trente-quatre et je débarque dans la capitale juste pour un mercredi. La pluie est au programme ainsi qu’un déjeuner avec celle qui étudie ici.

    Je descends sous terre et ressors près de la fontaine Saint-Michel alors que tombent les premières gouttes. Je prends un petit-déjeuner à deux euros chez Mac Donald puis vais fouiller chez Boulinier et Gibert Joseph (Gibert Jeunes est sinistré pour cause de rentrée scolaire, sur le trottoir des cahiers et des crayons à la place des livres).

    Chargé de deux sacs bien remplis, je reprends le métro pour la place de la Nation et la lecture de Paris dans l’entrée de l’Ecole Boulle. Bientôt, elle arrive et m’invite à la suivre dans la salle où elle travaille déjà, bien que la rentrée soit pour plus tard, occupée à tirer des plans en grand format.

    Un peu avant midi, nous gagnons à pied le boulevard de Charonne afin d’y bien déjeuner pour pas cher chez Sofiane. Elle me raconte sa manif pour les retraites. Il semble que là aussi on s’amuse davantage à Paris qu’à Rouen et que le petit commerce marche à plein pendant le défilé, kebabiers ambulants, marchands de chansons revendicatives et de livres subversifs, et cætera. Elle me donne quelques slogans vus et notés : « Ta réforme, j’en Woerth pas » ou « Je Woerth pas mourir de bosser » (ces jeux de mots seront incompréhensibles dans quelques années, le ministre Woerth oublié), aussi un « Métro, boulot, caveau » démarqué du « Métro, boulot, dodo » de Mai Soixante-Huit, lui-même piqué à Pierre Béarn (poète également un peu oublié). Pour le café, nous comptons sur le Quatre-Vingt-Seize, bar libertaire, mais il est bizarrement fermé.

    Elle retourne travailler et la pluie se faisant bien plus présente, je file d’un coup de métro me réfugier parmi les livres de la maison Book-Off, boulevard Saint-Antoine, où je remplis un troisième sac.

    La pluie redouble, il me faut rester le plus possible à l’abri. Je renonce à aller au Musée Marmottan visiter Monet et l’abstraction. Je n’en peux plus de l’Impressionnisme, Fabius m’en a dégoûté pour longtemps, et puis je le sais bien que Monet est le précurseur de la peinture abstraite, que ses derniers nymphéas y mènent tout droit, aidé qu’il fut par sa mauvaise vue. Ce qui fait que je traîne dans des cafés à lire Paris et puis je finis la journée chez Book-Off, l’autre, près de l’Opéra Garnier, un Opéra en travaux défiguré par une immense publicité pour une grosse voiture rouge « Nouvelle Volvo au diable le classique », un quatrième sac de livres, un kebab rue d’Amsterdam, puis un café A la ville d’Argentan où je termine Paris.

    *

    Dans mes sacs : six volumes de la collection Les grands classiques de la littérature libertine publiés il y a quelque temps par Le Monde, Les deux amies (essai sur le couple de femmes dans l’art) de Marie-Jo Bonnet (Editions Blanche), Poésies libres de Guillaume Apollinaire (Points Seuil).

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    Très bien écrit le Paris de Jean Follain, sous forme de notations classées par thèmes, un talent dans le choix de l’adjectif et un goût macabre pour le suicide toujours possible ou l’éventuel assassinat. C’est toutefois d’un accident que mourra Jean Follain le dix mars mil neuf cent soixante et onze peu après minuit, renversé par une voiture à la sortie d’un banquet.

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    Nuit aux macfarlanes, nuits sournoises. Une lumière mauve décore l’Opéra. Les passants vont retrouver le lit garni de draps bourgeois à chiffre fignolé. (Jean Follain, Paris)

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    Toutes les filles qui traversent la place de l’Opéra, celles-là qui sont subtiles et belles, celles-là qui sont bêtes avec de si beaux yeux savent cet éternel. C’est la connaissance de leur sang, de leur chair, de leurs muqueuses vouées à d’allègres tombeaux.

    Voilà ce que Paris nous apprend : ils sont pour durer le ciel et la terre. (Jean Follain, Paris)

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    Parfois, Jean Follain est le cousin de Félix Fénéon : Autrefois le parapluie de Lénine s’égouttait au Café de la Rotonde, Lénine qui aimait sa vieille mère, et qui plein de passion et de flair devait émigrer en la Suisse jaboteuse avant de faire sa révolution et de finir icône embaumée.

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  • Non, on ne fait pas grève ce mardi au Tribunal Administratif de Rouen dans lequel j’entre un peu avant quinze heures avec encore dans les pieds les quatre kilomètres de manifestation pour la défense des retraites. Je suis rejoint par une huitaine de membres du Réseau Education Sans Frontières. Sont déjà là des membres de l’Armée du Salut et la famille arménienne de Maromme que nous venons soutenir et dont nous ne savons pas grand chose.

    Une brochette d’avocat(e)s occupent le premier rang. D’autres affaires sont au rôle et nous découvrons après l’entrée des membres du Tribunal qu’elles ne concernent pas toutes des risques de reconduite à la frontière mais aussi des demandes d’indemnisation après bévues médicales. Concrètement, cela donne deux tranches de Sans Papiers pour une tranche d’Hôpital.

    Un homme a commis l’erreur de jouer au rugby. Il y a gagné une rupture de biceps mal soignée par un hôpital de l’Eure. Il demande des sous pour son préjudice. Son avocat plaide. La rapporteuse publique à l’élocution confuse suggère une nouvelle expertise.

    Un Moldave n’est plus en situation régulière depuis que sa Française de femme l’a quitté pour aller vivre en Angleterre. Heureusement pour lui, il est désormais avec une Moldave à papiers enceinte de neuf mois par ses œuvres. L’avocate plaide. La rapporteuse rapporte. C’est plutôt bon pour lui.

    Un homme est mort d’infection nosocomiale dans un hôpital de Seine-Maritime. Ses héritiers demandent dédommagement financier. L’avocat fait rire une partie de la salle en citant la défense de l’hôpital : ce malade « vraisemblablement serait mort à la longue ». La rapporteuse détaille l’état de mauvaise santé de ce malheureux. On sent qu’elle pense un peu comme l’hôpital.

    Un Arménien menacé d’expulsion est heureusement pourvu d’une femme enceinte de cinq mois. Il devrait s’en tirer.

    Un couple d’Arméniens, âgés respectivement de cinquante-deux et cinquante-trois ans, est dans la même situation. Ce sera difficile pour eux qui sont yésides et menacés dans leur pays.

    Un Marocain étudiant sans grands résultats n’a guère plus de chance.

    (Ces trois dossiers dans les mains d’un avocate qui n’a pas plaidé et qui, après les conclusions de la rapporteuse, n’a rien dit d’autre que : « Je renvoie le Tribunal à mes écritures ».)

    Le suivant a plus de chance : Mauritanien, il est salarié depuis neuf ans dans la même entreprise. Bien que célibataire et sans enfant, il devrait pouvoir continuer à travailler en France.

    On retourne dans un hôpital de Seine-Maritime où une jeune femme prête à accoucher a été refusée. Rentrée chez elle à pied, elle y a illico donné naissance à son enfant tandis que les pompiers se précipitaient à son secours. Cet hôpital admet son erreur. Elle devrait être indemnisée pour le préjudice moral et son ami aussi.

    On en arrive enfin à la famille pour laquelle nous sommes là et dont les enfants en bas âge ont dû attendre autant que nous. Maître Falacho, du cabinet Eden, plaide pour eux, expliquant que les époux ont chacun frère ou sœur avec papiers en France, que deux enfants sont nés en Allemagne, le dernier en France, que les deux aînés fréquentent l’école et le centre de loisirs, que l’Arménie n’est rien pour eux, que les époux travaillent pour l’Armée du Salut, qu’il y prennent des cours de français, qu’ils sont yésides et risquent des persécutions s’ils retournent dans leur pays. Le Président montre des signes d’impatience. La rapporteuse ne fait pas grand cas des arguments avancés. Pas de quoi être optimiste.

    Toutes ces affaires sont mises en délibéré et nous on se donne rendez-vous pour jeudi au même endroit à quatorze heures trente.

    *

    Publicité du marchand d’abonnements téléphoniques Esse Effe Erre sur les panneaux Decaux de la Mairie de Rouen : « Avec mon mobile, c’est moi qui fait la loi sur Facebook ». Une faute d’orthographe, c’est mieux quand tu t’adresses aux branlotin(e)s.

    *

    Mot d’ordre des Jeunes Populaires (jeunes et sarkozistes, les malheureux) contre la grève de mardi dernier : « Le 7 septembre pour ma retraite, je travaille ». Je t’explique, Jeune Populaire, tu ne travailles pas pour payer ta retraite mais pour payer la retraite de celles et ceux qui y sont, donc la mienne (n’hésite pas à faire des heures supplémentaires, Jeune Pop).

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  • Mardi matin par le pont Corneille, alors que Corneille l’autre, le peintre du groupe CoBrA, vient de mourir, je me dirige vers le cours Clemenceau, point de départ de la plupart des manifestations rouennaises. Il s’agit encore de dire non à la contre-réforme des retraites du Tout Puissant de la République.

    Le Parti Communiste est en embuscade au bout du pont, impossible de ne pas faire face à l’un de ses tracts promouvant la retraite à soixante ans (je préfère cinquante-cinq). Je refuse ce bout de papier à plusieurs reprises et vais me réfugier auprès du syndicat Sud Solidaires qui doit défiler en deuxième position (n’ai-je pas voté pour eux quand j’étais prisonnier du monde du travail).

    Il y a là la foule des grands jours et chacun(e) cherche sa place. Un camion semi-remorque sortant d’un entrepôt se faufile entre les manifestant(e)s. Il appartient aux Transports du Chastelet domiciliés au Syndicat. Le Syndicat, c’est dans les Vosges et ça ne s’invente pas (comme on dit dans ces cas-là).

    Une élue communiste à écharpe tricolore de ma connaissance vient vers moi et me dit qu’elle a lu mon texte sur la manifestation de samedi dernier. Nous en discutons sans nous écharper. Elle évite de me proposer de signer la pétition de son parti contre le projet de Sarkozy.

    L’itinéraire est donné (il s’agit de passer par les quatre ponts de la ville, une façon efficace de bloquer la ville) et en route vilaine troupe. Au premier virage à gauche, les pontes locaux et régionaux du Péhesse sont là à se faire voir dans leurs costumes de mariage (ceux-là même qui n’étaient pas présents samedi quand il s’agissait de défendre les Roms). Un peu plus loin, un anarchiste remonte le défilé osant à peine montrer son ticheurte « Bosser tue ».

    Pont Boieldieu, pont de la Jeanne, pont Guillaume, retour par la voie de Teor (en bas de la place de la Calende, c’est au tour du Hennepéha de se faire voir à grands coups de drapeaux et de slogans, ils et elles ne sont qu’une trentaine), puis l’immense cortège tourne à droite pour retourner à son point de départ par le pont Corneille. C’est là que je lâche l’affaire et rentre à la maison, pas loin, le temps de manger puis de repartir pour le Tribunal Administratif où semble-t-il on ne fait pas grève aujourd’hui.

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  • Septembre, le mois où il ne faut pas traîner si on veut avoir une place dans les salles de spectacle. Je me démène et c’est bien compliqué.

    J'ai bien du mal à m'y retrouver entre les spectacles compris dans l'abonnement et ceux hors abonnement, ceux à tarif réduit ou sans tarif réduit, ceux à réserver sur place ou seulement par courrier. Un chèque m’est refusé par Le Rive Gauche, me suis trompé sur son montant.

    Le plus simple c’est encore quand on peut se déplacer, ce que je fais lundi matin, empruntant le pont Boieldieu débarrassé de la Camille d’Arne Quinze où les voitures ont retrouvé leur place. J’y remarque sur le trottoir une borne de la maison Citéos et sur chaque lampadaire ce que je pense être des caméras de surveillance chargées de veiller sur les têtes de navigateurs de De Pas dont l’une a été décelée et sans doute jetée en Seine par de petits rigolos il y a quelques mois.

    Je remonte la rue Saint-Sever jusqu’à la billetterie du Hangar Vingt-Trois sise dans un bâtiment jouxtant le centre commercial et j’attends sur le palier d’un escalier rebutant qu’il soit dix heures. Une affichette m’apprend que c’est la dernière fois. En janvier deux mille onze, la billetterie passera rive droite, rue de la Jeanne.

    A l’ouverture, je suis le seul et, moins d’un quart d’heure plus tard, je repasse la Seine, filmé peut-être et bien content d’avoir dans ma poche un billet pour le concert du dernier des Bevilacqua.

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     Voici le concert de Wax Tailor prévu pour l’ouverture du Cent Six maintenant programmé au Théâtre des Arts pour cause de travaux en retard (ou comment faire de ce vieux Théâtre des Zarts une Salle de Musiques Zactuelles).

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    « Foutre le bordel au mariage d’Eric Besson » c’est l’intelligent objectif d’un groupe Fessebeuque qui reproche à la future épouse d’avoir trente ans de moins que le néfaste ministre et donc d’être vénale. Pas de quoi avoir envie d’un monde où ces justiciers seraient au pouvoir.

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