• Enfin nous sentons la ville et y pénétrons par le Lincoln Tunnel, heureux à sa sortie de revoir les buildings familiers. Arrivés à Port Authority, nos bagages récupérés, extrêmement fatigués, nous prenons le métro 1 jusqu’à Battery Park et y attendons une demi-heure le ferry pour Staten Island où nous devons loger. Il fait encore chaud dans cette ville, moins qu’en août, mais bien plus que là d’où nous venons.

    Cette journée a trop duré. Je suis totalement épidermique, ne supportant pas qu’un clochard qui pue vienne s’asseoir à côté de moi sur le bateau, n’ayant qu’une envie que ça s’arrête. Celle que j’accompagne n’est pas moins épuisée que moi, devant en plus supporter ma mauvaise humeur. Hélas, nous ne sommes pas au bout de nos peines, la maison d’hôtes annoncée à six minutes à pied du débarcadère est située bien plus loin. Nous pestons en tirant nos valises (la sienne toujours extrêmement lourde) sur au moins deux kilomètres et en montant, mis sur le chemin du 14 St Marks Place par deux femmes vulgaires et bruyantes. Des types louches rôdent, certains contrôlés par le NYPD.

    Finalement, nous arrivons devant une belle maison où comme convenu nous prenons la clé dans une boîte à lettres, Dans le noir, nous trouvons l’entrée de notre chambre sur la gauche en contrebas et découvrons l’endroit où nous devons passer deux nuits : un sous-sol, bas de plafond, où je tiens à peine debout. Le lit n’est qu’un matelas posé sur le sol. La douche est minuscule et haute d’un mètre soixante-dix. C’est sale. On trouve des toiles d’araignées partout. Il y fait très chaud, le climatiseur est hors d’usage. Un détecteur d’oxyde de carbone est fixé sur le mur car la chaudière est dans un réduit qui donne directement dans cette chambre. Nous sommes dégoûtés, après un voyage si éprouvant, d’être tombés dans ce trou.

    De plus, nous n’avons rien mangé depuis le petit matin. Il est quasiment 11.00 p.m. Nous ressortons, trouvons deux passants à qui demander où. Ils nous indiquent que le Clipper, ce restaurant où nous avons mangé lors de notre premier passage sur l’île, est ouvert 24/24. Il nous faut redescendre les deux kilomètres jusqu’au port.

    Quand nous entrons, c’est accueilli par une musique retentissante, mélange de pop rock au bar et de salsa dans le restaurant transformé ce vendredi soir en salle de cours de danse. On nous y installe quand même, près de tables où de vieux beaux draguent des femmes qui y croient encore. Le prof de danse est une sorte de surfeur latino. Muni d’un micro-cravate, il donne sa leçon. Les femmes trop maquillées se le disputent. On se croirait dans une petite ville de province, en France ou ailleurs.

    Nous commandons deux énormes burgers qui nous sont servis par Maggie, une quadragénaire un peu délurée et bien brave. Dans un bruit tonitruant, nous dégustons avec un verre de chardonnay, moi un Blue Cheeseburger, elle un BBQ Bacon Cheeseburger. Au bar les habitués montent encore le son. La musique latino se fait enfoncer par Manhattan Transfer Chanson d’amour ra da da da da, play encore.

    Nous remontons les deux kilomètres, n’ayant qu’une envie : dormir sur le matelas posé par terre. Cette perspective est contrariée par nos logeurs qui arrivent juste après nous et font au-dessus de nos têtes un bruit épouvantable. Pourtant, fatigués comme nous le sommes, nous sombrons dans un  sommeil comateux.

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  • Yep, today est le jour du retour à NYC, pour cela nous nous levons bien tôt et à 6 a.m. nous sommes chez Fran’s, lieu ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour y prendre le petit-déjeuner. Ne trouvant pas sur la carte de quoi rassasier nos estomacs européens, nous commandons un Colossal Cheesecake et des French Toasts. Cela n’est ni colossal ni appétissant, aussi est-ce encore affamés que nous gagnons la gare Greyhound où comme d’habitude zonent des gens bizarres. Nous allons au guichet pour faire étiqueter nos bagages. La grosse guichetière black nous accueille de façon exécrable. Elle tente d’emblée de nous extorquer dix dollars de supplément de bagages. Celle que j’accompagne lui démontre qu’on n’a pas à les payer. Elle pique alors une vraie crise à propos de nos billets qui sont incomplets, il manque la partie entre Toronto et Buffalo. Elle veut que l’on dise qu’on les a perdus, devient totalement hystérique. Comme tout est vérifiable sur Internet avec nos numéros de réservation, elle finit par capituler, et réimprime l’ensemble de nos billets.

    En maudissant cette hyène, nous allons à la porte 9 attendre le car de 8.00 a.m. Il se présente à peu près à l’heure. Ce n’est pas un Greyhound mais un New York Trailways NEON. Il prend la direction de Niagara Falls. Nous croisons les doigts pour ne pas avoir de soucis à la frontière, déjà si nous pouvions ne pas retomber sur le douanier que l’autre jour.

    Sur le pont de tous nos ennuis, notre car est le sixième dans la file d‘attente, ce qui nous permet de profiter une dernière fois du spectacle des chutes du Niagara. Quand arrive notre tour nous entrons avec nos bagages dans le bâtiment des garde-frontières puis nous sommes séparés. Une femme assez aimable que je comprends à peu près me demande ce que j’ai fait au Canada, si j’y ai acheté quelque chose, pourquoi je vais à New York. Je m’empresse de lui montrer mon billet d’avion New York Paris. Elle me dit que c’est bon. J’avance, fais sonner le portique bien que démuni de tous mes objets métalliques. Un grand Noir se précipite sur moi, me fouille, me dit que c’est ok. Je récupère ma valise passée aux rayons Ixe et remonte dans le car. Celle qui voyage avec moi n’en a pas terminé. Elle met un certain temps avant de me rejoindre, ayant dû montrer son contrat de travail et payer six dollars de taxe (entrée une première fois aux USA pour un stage, elle n’avait pas payé l’Esta). Lorsqu’elle a parlé de notre renvoi au Canada, au moment de remplir le fameux papier avec la question « Avez-vous déjà été interdit d’entrée aux USA ? », la douanière lui a répondu : « Oh, ce n’est rien, ils ont juste dû vous renvoyer là-bas. ». Nous poussons un gros soupir de soulagement.

    Quand tout le monde a regagné le car, celui-ci repart pour s’arrêter bientôt à la gare routière de Buffalo. Quelques passagers qui n’avaient pas prévu la durée du passage de la frontière nous quittent pour sauter dans un taxi afin de ne pas rater leur avion à Buffalo Airport où nous devons passer ensuite. D’autres prennent place, des gros très gros.

    Une heure plus tard, nous faisons escale à Batavia. Au moment d’en repartir, dans un bel effet cinématographique, notre car est bloqué par la voiture du Sheriff. Il monte à bord, suivi d’un inspecteur à cravate, à la recherche d’un homme d’environ trente-cinq ans qu’ils ne trouvent pas.

    L’arrêt suivant est Rochester, une heure et demie plus tard, où nous avons l’opportunité d’une pause toilettes cigarette. De nouveaux gros s’installent dans le car. Juste avant le départ, deux policiers de l’immigration montent vérifier les passeports de tout ce qui ressemble à un étranger. Pas de problème pour nous, mais un jeune Asiatique qui n’a pas son permis de séjour sur lui se fait embarquer. On attend. Cinq minutes plus tard, il revient libre et soulagé et se met à jouer à un jeu d’ordinateur où il faut faire s’écrouler des cloisons. Encore secoué, il penche tout à coup son appareil avec l’espoir d’en faire choir davantage.

    L’arrêt suivant est Syracuse où nous changeons de chauffeur. De nouveaux obèses en remplacent qui descendent, mais de jolies filles aussi. Nous commençons à en avoir marre de ce long voyage bien que le paysage soit beau, forêt et petite montagne. Il pleut et nous n’avons quasiment rien à manger, pensant qu’un arrêt serait prévu en route pour cela, mais non, changeant de chauffeur régulièrement, celui-ci n’a jamais faim.

    Notre dernier arrêt est à Binghamton puis c’est la ligne droite jusqu’à New York City. Le chauffeur roule comme un dingue sur la route mouillée. Il fait nuit. Nous sommes aussi impatients que lui d’arriver.

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  • Pas de neige comme il y a deux semaines pour m’empêcher d’aller à Paris, ce qui ne veut pas dire qu’il fasse chaud, l’hiver déborde sur le printemps. Pourtant, le soleil montre ses rayons quand j’arrive à Saint-Lazare d’où je rejoins à pied le quartier de l’Opéra car j’ai au bout du bras les derniers livres que ne veulent pas m’acheter les bouquinistes de Rouen mais que Book-Off appréciera à leur valeur marchande (la valeur littéraire, cette maison s’en fiche). Je traverse le passage Choiseul avec une petite pensée pour Louis-Ferdinand. A son extrémité, rue des Petits-Champs, je prends un café dans un bar dont je ne note jamais le nom mais où il est en salle à un euro quatre-vingts tout en lisant Cousse (Raymond) A bas la critique, livre acheté dans la capitale il y a quelque temps, publié par Cent Pages. C’est le recueil des lettres méchantes que l’auteur mécontent écrivit à Pivot, Ezine, Poirot-Delpech, Rinaldi, Sandier et moins connus, dont Louis Guissard, critique littéraire à La Croix qu’il appelle Monsieur le curé : Je regardais hier à la télévision votre chef polonais officier sans complexe depuis son balcon de la place Saint-Pierre. Il faut un bel aplomb pour se coiffer d’un bonnet d’âne et débiter de telles inepties planétaires. A part quelques chefs des tribus africaines, aucun politicien ne s’y risque plus aujourd’hui, du moins dans cet accoutrement. Telle est la force des épouvantails à moineaux et à brebis. Les punks peuvent s’aligner, le parti communiste aussi, tant que l’habit fera le moine, l’Eglise aura l’avenir devant elle., cela suivi de ce délectable : Sans remuer le couteau dans la plaie, dois-je vous rappeler que vers 1900, à une époque où le clergé avait encore des couilles, La Croix ne redoutait pas de s’autoproclamer « le journal le plus antijuif de France ».

    A dix heures, je suis le premier chez Book-Off où mes sept livres me rapportent six euros, cinq à un, deux à zéro cinquante. Tous sont immédiatement étiquetés à cinq euros et mis en rayons. Ça, c’est du commerce. Je reste dans la boutique un certain temps sans rien trouver à acheter, puis les métros Trois et Sept m’emmènent dans le quartier Mouffetard où je mange tôt au Pot d’Or de sushis et makis à volonté. Le serveuse, dès qu’elle a un moment, se plonge dans un carnet Moleskine et répète à voix basse ce qu’elle y lit. Le vin blanc bu me donne l’audace de lui demander quoi.

    -J’apprends l’italien, me répond-elle.

    Ce n’est pas pour ses études, elle les a terminées. C’est parce que son copain est Italien. Je quitte la rue du Pot de Fer, descends à pied jusqu’au Quartier Latin où je fouille dans les bacs de Gibert Bleu, Boulinier Rouge et Gibert Jaune. Chez le premier, j’achète L’Inadvertance, le recueil de nouvelles de Paul Gadenne publié autrefois par Le Tout sur le Tout, maison d’édition parisienne disparue qui devait son nom à l’un des romans d’Henri Calet. L’Association Henri Calet, m’apprend la dernière page, y publiait une revue dont les trois premiers numéros furent grandement consacrés à cet auteur, intitulée Grandes Largeurs.

    L’après-midi, sous le frais soleil, je pérégrine à Montmartre comme un touriste, songeant à celle qui reviendra bientôt dans le dix-huitième arrondissement. Descendu de la Butte, je prends un café à un euro quatre-vingts à La Fourmi, ce bar que j’aime bien, coincé entre La Cigale et Le Divan du Monde. J’y ai bien des souvenirs. Dans le chaleureux brouhaha de la clientèle de quartier, où sont venus s’oublier une étudiante studieuse et un couple de touristes anglophones n’hésitant pas à commander une bouteille de vin rouge pour fêter Paris, je termine Cousse dont le dernier coup de griffe est pour « Guy des Gares » : Vous, c’est-à-dire la figure légendaire dont vous avez gratifié les Lettres françaises, tant par l’aspect monumental de votre œuvre (que je n’ai malheureusement pas lue) que par votre génie des titres.

    Je rejoins Saint-Lazare à pied et grimpe dans le train de dix-neuf heures trente. C’est l’un de ces trains colorés appartenant à la région Haute-Normandie. On y est tellement secoué qu’on a l’impression qu’il pourrait dérailler à tout moment. Je tente de lire L’Inadvertance de Gadenne malgré la proximité d’un quatuor de femmes retour d’un stage. Après avoir rassuré leurs enfants au téléphone « Maman arrive bientôt, mon chéri », elles entrent en phase régressive, ricanant comme des branlotines pendant tout le voyage et encore plus quand surgit juste avant Rouen le contrôleur.

    -Nous ne sommes que dans le premier tunnel, j’ai encore le temps de m’occuper de vous, dit-il aux pouffeuses.

    *

    « Sur les années 1980, il restera, c'est sûr, l'empreinte des éditions Le Tout sur le Tout, lieu de la relance de Henri Calet, de Raymond Guérin, Paul Gadenne et de plusieurs autres.
                Le Tout sur le Tout, c'est Guy Ponsard, replié à Gouvernes depuis. » (in L’Alamblog, le blog du Préfet maritime)

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  • Après un petit-déjeuner café thé jus d’orange muffins, ce jeudi veille de notre retour à New York, nous quittons la maison de Linda avec l’intention de nous balader au bord du lac au-delà d’Island Airport. C’est pourtant dans la direction opposée que nous partons, attirés par le soleil du matin, côté vieille ville donc, passons par la Distillerie, nous rapprochons de Downtown et nous retrouvons par une boucle au point de départ de notre habituelle promenade.

    Avant d’aller plus loin, nous choisissons de déjeuner au Harbour Sport Grille, en bas de Yonge Street, et sommes très déçus. Mon burger est sec avec rien dedans, sa salade minuscule, la serveuse fuyante. De plus, c’est cher,  Nous ne laissons que deux dollars de tip et prenons la fuite. Comme nous sommes près de l’embarcadère, je propose à celle que j’accompagne d’aller aux Toronto Islands. Pour ce faire, nous sautons à bord du Toronto Islands Ferry (sept dollars le round-trip).

    Nous descendons au débarcadère principal du groupe d’îles (Centre Island Ferry Dock). Le lieu est peu fréquenté. Nous sommes hors saison. Le parc d’attraction est heureusement fermé. Nous nous donnons pour objectif de marcher sous le ciel bleu jusqu’à l’extrémité gauche en longeant l’eau afin de rejoindre Ward’s Island Ferry Dock pour y reprendre le bateau. Nous sommes bientôt en pleine nature avec vue sur la skyline de Toronto. Cette ville, que je n’arrive pas à aimer, nous apparaît belle de loin.

    Nous atteignons facilement ce bout, ne croisant en chemin que quelques ornithologues occupés à photographier des canards quelconques avec leurs gros appareils. De jolies maisons cachées dans la végétation, plus ou moins inhabitées, nous attirent mais nous ne pouvons toutes les voir car des ouvriers du gaz barrent le chemin pour cause de travaux. Pourquoi ne pas tenter d’atteindre l’autre extrémité où se tient le troisième embarcadère (Hanlan’s Point Ferry Dock), près de l’aéroport. En coupant par un terrain de sport, nous atteignons une promenade en bois construite quasiment au dessus de l’eau, côté grand large. Elle peut nous emmener vers l’extrémité opposée.

    Parvenus à la moitié de cette promenade en bois, nous nous rendons compte que nous étions un peu ambitieux. Ce groupe d’îles reliées par de petits ponts est plus vaste qu’on ne l’imaginait. Nous changeons nos plans, décidons de ne pas aller plus loin que Marina Port pour nous y poser et admirer le trafic aérien. C’est plus facile à faire sur le plan qu’en réalité. Nous nous heurtons à un vrai dédale fait pour dissuader d’y aller qui n’a pas son bateau là, des bateaux résidentiels avec tables de pique-nique et barbecues posés à terre devant chacun. Ce labyrinthe achève de nous épuiser. Nous retournons comme nous pouvons à Centre Island et y trouvons une table ensoleillée où l’on peut écrire en attendant le bateau de 3.30 p.m.

    Il passe par Ward’s Island Ferry Dock puis nous ramène à Toronto City. Débarqués, nous remontons Yonge Street, cette longue rue fatigante, puis tournons à droite dans Schuter Street où nous avons logement.

    Dans la cuisine nous attend Linda, notre logeuse jusque-là invisible. Contrairement à son frère, elle parle parfaitement l’anglais et nous apprend qu’on aurait dû quitter la chambre ce matin. Celle qui a tout organisé s’est trompée dans les dates de réservation. Notre chambre est louée par d’autres qui attendent qu’on la libère pour s’y installer. « Don’t worry », nous rassure Linda. Elle nous propose pour cette dernière nuit et pour le même prix une superbe chambre au rez-de-chaussée, à murs de briques, avec salle de bain et jardin privatif. Je règle la nuitée supplémentaire avec les dollars américains qui me restent.

     Cette erreur est une aubaine et, après avoir déménagé nos affaires, nous la fêtons à l’extérieur grâce à notre salon de jardin en buvant un thé et un café.

    Le soir venu, nous retournons une dernière fois à l’Imperial Pub Library. La salle du bas est un peu déserte. Un vieux barbu au comptoir s’est pissé dessus. Nous prenons notre habituel demi-litre de chardonnay local et des sweet potatoes fries, toujours aussi bonnes. Elle envisage un moment de renouveler la commande en tirant ses derniers dollars du distributeur installé dans le café mais la sagesse l’emporte.

    La nuit venue, nous ne dormons pas aussi bien que nous en aurions besoin dans notre grande belle chambre, la faute aux bruits d’eau à l’étage chez les autres locataires et à leurs allées et venues..

    *

    Incroyable le nombre de buildings en construction dans la capitale de l’Ontario, immeubles de piètre qualité selon celle qui me tient la main. Cela me fait songer à l’Espagne d’avant l’éclatement de la bulle immobilière.

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  • Samedi, en début d’après-midi, je prends la route, direction le lycée de Val-de-Reuil où le groupe Louviers/Val-de-Reuil d’Amnesty International organise son annuelle vente de livres. Arrivé une demi-heure en avance, je ne suis pas le premier. Se tiennent devant la porte coulissante, qui ne cesse de s’ouvrir et de se fermer automatiquement, quelques bouquinistes clandestins et un officiel. Avec une fausse sympathie, elle et eux discutent du métier en attendant impatiemment quatorze heures.

    Un quart d’heure avant le moment fatidique sort une femme avec des livres sous le bras qu’elle a eu le privilège de se procurer avant tout le monde.

    -Bonjour messieurs dames, nous dit elle avec un grand sourire.

    C’est Janick Léger-Lesœur. Son amabilité et son sourire sont pleins de politique. Personne ne lui répond car nul ne la connaît, hormis moi qui l’ai pratiquée (si je puis dire) quand je faisais l’instituteur à Védéherre et qu’elle faisait partie d’un des Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté, ne se prenant déjà pas pour n’importe qui. Désormais Vice-Présidente du Conseil Général de l’Eure et Adjointe du Maire socialiste de Val-de-Reuil Marc-Antoine Jamet (par ailleurs Secrétaire Général du groupe de luxe Louis Vuitton Moët Hennessy), elle n’est pas obligée de me reconnaître.

    La proximité d’Amnesty International avec le Parti Socialiste est particulièrement visible à Val-de-Reuil. Certains sont adhérents des deux, dénonçant l’après-midi les expulsions de Roms qu’ils ont approuvé le matin, ou l’inverse.

    A l’heure prévue, on nous autorise à entrer. Je comprends vite qu’il n’y aura rien pour moi. Le seul livre qui me tente est L’Ordre de ténèbres, texte de Pierre Bourgeade, photos de Claude Alexandre, publié chez Denoël en quatre-vingt-huit, ouvrage consacré au milieu sadomasochiste. La photo de ligotage en couverture est attirante, mais celles de l’intérieur sont assez laides et vieillies. Le prix demandé, douze euros, achève de m’en détourner. Je me rabats sur les livres de poche qui sont vendus cinquante centimes pièce, en trouve quelques-uns à mettre dans mon sac.

    Bientôt, ce n’est plus quelques fanatiques qui occupent l’espace mais une foule de locaux de tous âges. On peine à se déplacer dans les allées. Je n’y vois guère non plus, l’éclairage dans ce lycée est chichement mesuré. Je paie mon dû et rentre à Rouen, subissant l’embouteillage devenu si habituel que nul ne semble désormais s’en plaindre.

    *

    Le nombre d’institutrices et d’instituteurs que je connais, les ayant côtoyés, à Louviers, Val-de-Reuil ou Rouen, devenus élus (socialistes, communistes ou écologistes), le plaisir qui est le leur de ne plus être enseignants du tout ou seulement à mi-temps, vivant maintenant, complètement ou à moitié, de leurs indemnités.

    *

    Dimanche, retour au vide grenier Augustins Molière balayé par un vent glacé. J’y trouve des ramettes de papier, des blocs à dessin pour celle dont j’attends le retour, et de jolis livres de poésie vendus par des institutrices et instituteurs au profit des écoles. Un tampon en première page montre qu’ils furent achetés par l’Inspection Départementale de Rouen Centre. De très bons auteurs, Follain Guillevic Sacré Hikmet, à l’état neuf, jamais ouverts.

    *

    -Excusez-moi, vous n’êtes pas Xavier Dégremont ?

    Encore un qui me prend pour un artiste.

    *

    Une liste socialiste, une liste écologiste, et pourquoi pas une liste Front de Gauche au municipales de Rouen ? C’est le rêve du tribun Mélenchon qui tenait congrès ce dimanche, m’apprend Libération.

    Il ne connaît pas les Communistes locaux, soucieux de ne pas mécontenter leurs camarades socialos, afin de rester bien au chaud.

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  • A chaque fête des Rameaux revient le vide grenier rouennais du quartier Augustins Molière. Il a l’avantage d’être le plus proche de chez moi et le désavantage d’attirer régulièrement la pluie. Après l’averse de la nuit, ce samedi, au lever du jour cela se tient.

    Il est sept heures lorsque je m’y pointe, l’heure de la fourrière enlevant les voitures. Peu d’exposant(e)s sont installés entre les conteneurs à ordures nouveau modèle posés en grand nombre dans ces rues, l’un même devant une entrée de restaurant. Le chef de service de la Mairie de Rouen chargé du mobilier urbain (comme on dit) doit être une bénédiction pour les vendeurs d’horreurs, il choisit toujours le pire. Il s’en faudra de peu de temps pour que les parties mécaniques de ces conteneurs (charnières, pédales, leviers) soient cassées et déjà certains riverains choisissent de poser leurs sacs poubelle à côté.

    Le quartier constitué par la rue des Augustins, la rue Molière et des adjacentes n’existe pas vraiment. Ce n’est pas la Croix de Pierre ou Saint-Julien. La plupart des vendeuses et vendeurs viennent d’ailleurs. Les potentiels acheteurs et acheteuses aussi, A cette heure matutinale, ce sont quatre-vingt-dix pour cent d’hommes pas lavés depuis longtemps, brocanteurs officiels ou officieux, à sacs à dos hideux ou charrettes à roulettes. Ces désagréables me gênent pour regarder dans les quelques cartons où apparaissent des livres. Rien au fond qui m’intéresse.

    Dans l’une de mes allées et venues, je croise un ci-devant barbu. Il se présente à moi. C’est le mystérieux Mosieur J. Nous conversons un petit moment. Il est question de boire un café ensemble, un jour.

    Allez, un dernier tour maintenant que tout le monde est installé, bien qu’il reste des emplacements inutilisés. Près de la place Saint-Marc, qu’ouis-je ?

    -Demain je vais à Paris, y nous interdisent les Champs Elysées ces cons-là, y zont peur qu’on casse les vitrines.

    Je comprends qu’il s’agit d’une groupie de Perfide Cageot, la croisée anti-mariage gay, qui organise manifestation dans la capitale ce dimanche.

    -Les vieilles bigotes sont de sortie, lui dis-je.

    Ça lui coupe le sifflet mais elle retrouve la parole quand je suis un peu plus loin :

    -Anar ! Spèce d’anarchiste ! me crie-t-elle suscitant l’étonnement.

    Bas les pattes, pourrais-je lui répondre. C’est le titre de ma découverte d’avant renoncement, un livre pamphlet de Fabien Gruhier, publié chez Régine Déforges Editeur en septembre quatre-vingt-dix, dont le sous-titre est Pour en finir avec les animaux de compagnie. « Lorsqu’ils seront plus nombreux que nous, qui ramassera les crottes ? » s’interroge la quatrième de couverture.

    A neuf heures moins le quart, je suis chez moi, sain et sauf. Il se met à pleuvoir.

    *

    Dans la série grenouillages à la perspective des futures élections municipales rouennaises, voici les Zécolos prêts en découdre avec les Socialistes, à y aller de leur liste verte en comptant arriver avant la rose au premier tour. La retombée sera violente.

    En attendant d’en découdre, les Verts s’alarment du sort futur de l’arbre de Saint-Maclou. Robert, Maire (socialiste), aurait décidé d’en faire des bûchettes à la demande des riverains. Officiellement, on reproche à ce fier feuillu de gâcher la belle vue sur les échafaudages, les plastiques et les palissades du chantier de rénovation de l’église.

    En vrai, ce serait plutôt que l’arbre empêche la lumière de pénétrer dans les salons bourgeois, qu’il est empli d’oiseaux bruyants, et qu’à son pied s’assoient des clochards buvant ou des touristes pique-niquant.

    Sur 76 actu, je lis : « Nous allons tout faire pour le sauver », annonce Stéphane Martot. Le secrétaire rouennais d’Europe Écologie-Les Verts est très déterminé pour tout mettre en œuvre, « jusqu’à la pétition s’il le faut »… Jusqu’à la pétition ! Quelle audace !

    *

    Qu’on me prévienne quand Jean-Michel Bérégovoy, future tête de liste écolo au municipales rouennaises, s’enchaînera autour du tronc en déclamant Ronsard.

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  • Après une nuit moyenne, soucieux que nous sommes des suites éventuelles de notre mésaventure de la veille, nous nous levons à 7 a.m. Douche et petit déjeuner dans la cuisine du bas, puis nous partons découvrir le haut de Downtown, en particulier le quartier universitaire, constitué de faux vieux bâtiments entre jardins et parcs. Les photographies des plus distingué(e)s des professeur(e)s sont accrochées en calicot dans les rues. Entrés dans un bâtiment à la recherche des washrooms (les restrooms canadiens), nous avons l’oreille attirée par un orgue en action. Nous voici bientôt dans l’église de Trinity College. L’organiste est une jeune et jolie asiatique. Nous l’écoutons jusqu’à ce qu’elle éteigne la petite lampe rouge et descende par un chemin mystérieux qui la dérobe à nos regards.

    Quand il est temps de songer à déjeuner, nous rejoignons la partie médiane de Downtown, près de la gare Greyhound, Dundas Street, où nous avons repéré un « All You Can Eat » japonais : le Kyoto House. Une serveuse nous installe à une table pour deux. Elle doit être Chinoise comme ses collègues plutôt que Japonaise puisqu’elle parle en anglais avec les deux jeunes Japonaises qui mangent à côté de nous. L’endroit est bientôt pris d’assaut, essentiellement par des étudiant(e)s. On remplit une feuille de commande et les sushis et makis confectionnés au comptoir par trois Chinois qui ne chôment pas sont bientôt sur notre table. Comme on trouve ça bon et que nous avons de l’appétit, on renseigne une autre feuille de commande pour deux, puis une troisième pour moi seul, elle optant pour une salade. Comme dessert, nous choisissons deux boules de glace : Green Tea et Red Beans. Tout cela nous coûte moins de douze dollars par personne, plus le tip.

    Repus, nous descendons jusqu’au lac Ontario à la hauteur de l’aéroport et du port de plaisance. Nous faisons une sieste dans l’herbe bien qu’il fasse moins beau et chaud qu’hier à Niagara Falls. Des gouttes de pluie nous ramènent à la maison pour un thé café jus d’orange et le classement des photos des trois derniers jours.

    Le soir, nous sommes de retour à l’étage de l’Imperial Pub Library où nous faisons maintenant figure de clients connus, pour un bon vin blanc du pays en pichet, nous contentant de chips, trop peu nombreuses, apportées par nos soins.

    *

    Ecureuils noirs gambadant sur l’herbe verte.

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  • Le réseau social Effe Bé est un endroit où s’exprime le meilleur de l’être humain. Je viens d’en faire une nouvelle expérience.

    Il y a déjà un certain temps, l’une des membres du Collège de Pataphysique, ancienne directrice d’un site Internet consacré à l’investissement en Bourse (cela est conciliable), a voulu être mon « amie » sur Effe Bé. Sans doute cherchait-t-elle des lecteurs pour ses écritures (elle pond son quatrain tous les matins). Je me suis assez vite rendu compte que si elle jugeait qu’il était bon pour moi de m’intéresser à sa vie et à ses textes, elle n’en avait rien à faire de la mienne et des miens, mais comme de temps à autre elle relayait des informations intéressantes, je ne l’ai pas supprimée de ma liste.

    Ce mercredi, cette « amie », de retour d’un voyage d’agrément à Bruxelles entreprend de publier les photos de son séjour, photos banales, sans intérêt, comme on en subissait autrefois dans les soirées diapos. On en est à la seizième quand je lui donne ce conseil :

                « Pour les photos de vacances, rien ne vaut un dossier, l'ouvre qui veut. »

                et m’attire cette réponse :

                « Si ça vous dérange vous pouvez faire en sorte de paramétrer votre fil d'actualités pour que ça n'apparaisse pas..... »

                Moi : « Je ne connais pas de filtre pour les photos de vacances, ni pour les photos d'enfants ou de chats, malheureusement c'est soit aucune photo soit toutes. »

                Réponse : « Vous pouvez bloquer les actualités d'une personne. Vous conviendrez que ce n'est pas aux autres de se plier à votre volonté de ne pas voir de photos mais à vous de vous en accommoder ou bien alors de bloquer les actualités. Chacun peut bien publier ce qu'il veut et de la façon dont il le souhaite quand même! »

                Moi : « Oui, je suppose d'ailleurs que vous avez bloqué le mien depuis longtemps, mais je ne veux pas bloquer le vôtre car j'y trouve assez souvent des informations intéressantes. Publier les photos sous forme de dossier, ça prend moins de place, ça n'empêche pas de les publier. »

                Réponse : « En effet, je suis moins emmerdée par vos photos que vous semblez l'être par les miennes, puisque vous ne figurez pas dans mon fil d'actualité. Je vous signale d'ailleurs que j'ai trente et un albums, et que chaque fois que j'y publie une photo (par exemple un coucher de soleil) elle se trouve quand même dans le fil. Ce qui m'ennuie, c'est que ce n'est pas la première fois que vous êtes à la limite du troll. Je suis ici sur ma page, essayez de vous en souvenir. »

                Moi : « Si faire une suggestion ou émettre une critique c'est se faire qualifier de troll, cela limite la discussion. Je vous rappelle que c'est vous qui avez demandé à être mon « amie ». »

                Une amie de la Pataphysicienne boursicoteuse s’en mêle :

                « C'est qui, cet acariâtre ? Et pis oui, si on ne veut pas voir les photos, ben on passe, pas de quoi en faire un plat ! Il y a en ce bas monde de ces chicaneurs... Babeth, moi je les trouve très belles tes photos, toujours, et c'est grâce à elles, et celles des autres aussi, que je voyage, alors... »

                puis une autre :

                « Apparemment c'est un Rouennais....au secours! Moi j'adore Bruxelles, les photos me réjouissent plutôt. »

                Enfin, la Pataphysicienne boursicoteuse répondant à mon « Je vous rappelle que c'est vous qui avez demandé à être mon « amie ». » conclut :

                « Ah bon ! Je ne m'en souvenais plus. Cela m'ôte mes derniers scrupules pour vous «désamifier» ! »

                Ce qu’elle fait illico. Eh hop, une « amie » en moins.

    *

    Le Collège de ’Pataphysique a été pertinent dans les années cinquante et soixante du vingtième siècle, du temps de Boris Vian. Relancé dans les années deux mille, il est désormais insignifiant, n’intéressant que celles et ceux qui en sont membres.

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  • A l’entrée du pont qui enjambe la rivière Niagara se trouve un tourniquet qui nous demande cinquante cents pour le franchir. On les lui donne, sans se douter que c’est une mauvaise idée, nous venons de franchir la frontière entre le Canada et les Etats-Unis. A l’autre bout de ce Rainbow Bridge nous attend un garde-frontière américain. Celle que j’accompagne lui explique que nous voulions juste voir les chutes de la rive d’en face. Il nous demande nos passeports. Nous ne les avons pas avec nous. Il n’apprécie pas et nous envoie nous asseoir près d’une laide copie de la Statue de la Liberté. On attend, pas très fiers, tandis qu’il interroge les ordinateurs de l’Oncle Sam à notre sujet.

    Quand il nous rappelle, c’est pour nous expliquer ce que c’est qu’une frontière. Vous n’êtes pas en Europe. Ici, ce sont les USA. Il nous signifie un refus d’entrée aux Etats-Unis et le notifie par écrit. Nous faisons le chemin inverse, bien ennuyés par notre bévue.

    À l’autre bout du Rainbow Bridge nous attend maintenant un garde-frontière canadien. On lui explique notre problème. Il nous dit que si c’est un problème pour les Etats-Unis, ce n’en est pas un pour le Canada. Il nous demande de nous diriger vers la douane. Nous traversons la route et prenons place au bout d’une file d’attente de touristes descendus d’un car mais un homme vient nous chercher et nous mène devant une garde-frontière. Celle-ci nous explique qu’au contraire, c’en est un problème et un grave. Nous avons droit à une nouvelle leçon sur la notion de frontière puis elle prend nos noms et interroge son ordinateur. On y trouve trace de l’entrée au Canada de celle que j’accompagne, mais pas de la mienne. Est-ce que mon passeport a bien été tamponné à l’aéroport de Toronto ? Je ne puis l’en assurer. Me voici dès lors une nouvelle fois suspect. Elle veut savoir si on est vraiment ensemble, me soupçonne d’être entré illégalement sur le territoire. Nous avons le numéro du vol American Airlines avec lequel nous sommes arrivés à Toronto mais elle nous dit qu’elle n’a pas le droit d’interroger les ordinateurs de cette compagnie aérienne. Elle finit néanmoins par accepter de le faire, nous envoie nous asseoir.

    Quand elle nous rappelle, c’est pour nous dire que nous sommes autorisés à partir. On lui demande ce qui se passera vendredi quand il s’agira pour nous de repasser aux USA, notamment si mon passeport n’est pas tamponné. Elle nous répond qu’aujourd’hui elle s’occupe du problème d’aujourd’hui.

    On a fait une belle connerie, nous disons-nous une fois libres. Outre l’histoire de mon passeport peut-être pas tamponné, il y a le refus d’admission aux Etats-Unis qui peut avoir des conséquences fâcheuses. L’une des questions posées sur le formulaire d’entrée est : « Avez-vous déjà fait l'objet d'un refus d’admission aux Etats-Unis ? ». Pour celle qui compte y revenir dans le futur, l’inquiétude est encore plus grande.

    Nous retournons au Secret Garden, y prenons thé et coke puis longeons dans l’autre sens la rivière au-dessus de laquelle se trouve à mi parcours une sorte d’autel à la mémoire d’un qui est mort là, peut-être en se jetant en contrebas.

    Arrivés à la gare routière, nous attendons le Greyhound de 8.05 p.m. pour Toronto. Partant à l’heure, fonçant dans le noir, s’arrêtant dans des villes où nul n’est dehors, il nous dépose en avance.

    Nous allons à pied jusqu’à chez Linda et nous couchons fatigués et inquiets après avoir toutefois constaté que le tampon du Canada figure sur mon passeport.

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  • Ce jour est celui des chutes du Niagara. Nous nous levons à 5.45 a.m., prenons un petit-déjeuner agrémenté d’un jus d’orange et filons à la gare routière. Nous grimpons dans le car Greyhound qui mène à la mondialement connue Niagara Falls, petite ville de quatre-vingt-cinq mille habitants. Au début, le paysage se compose essentiellement de banlieues puis il devient très beau avec vue sur lacs ou marécages des deux côtés de la route et peu avant l’arrivée sur les vignes en coteaux qui produisent le vin local. Il fait beau.

    A Niagara, plutôt que prendre la navette, nous choisissons de marcher pendant trois kilomètres le long de la rivière en côtoyant une route où passent assez peu de voitures. Sur notre gauche, en contrebas, la rivière bordée d’arbres coule assez paisiblement. Sur notre droite, de l'autre côté de la route, se succèdent les maisons cossues dont beaucoup proposent le B&B. A mesure que l’on s’approche des chutes s’amplifie leur grondement. On aperçoit depuis un moment le nuage de vapeur qu’elles dégagent. Il est 11.30 a.m. lorsque l’on touche au but et l’on se dit qu’il serait judicieux de déjeuner avant d’aller y voir plus près. Le Secret Garden nous accueille en terrasse sous le soleil, d’où nous avons belle vue sur les chutes au loin. Un concert de carillon en provenance de la mairie voisine salue notre présence. On y entend notamment Autumn Leaves, chanson de l’amour qui n’est plus. Pour elle, ce sera un veggie burger et pour moi un cheese burger accompagnés d’un demi-litre de vin rouge du Niagara (bénédiction de la nature due au microclimat local), un thé un café, c’est parfait.

    Il est temps de s’approcher. Le spectacle est magnifique, d’abord celui offert par les American Falls puis celui des vraies chutes du Niagara, côté Canada, en fer à cheval. D’en haut, nous observons les allers et retours des bateaux s’approchant au plus près des deux chutes avec à leur bord des visiteurs transformés en Schtroumpfs par un imperméable en plastique bleu. Je demande à celle que j’accompagne si elle a envie de cette visite in situ. Elle me dit que non, mais en fait ce qu’elle refuse c’est que je paie car, tout à coup, à l’approche du guichet, elle décide de dépenser ses dernières économies dans cette expédition aventureuse.

    J’ai bien du mal à enfiler l’imperméable bleu. Elle vient à mon secours et nous embarquons sur le Maid of the Mist, Schtroumpfs parmi les Schtroumpfs. Le bateau s’approche d’abord de la chute américaine puis met le cap sur la canadienne. Un guide bilingue (anglais/français) nous narre quelques anecdotes dont celle du « garçonnet tombé dans les chutes en costume de bain et en veston » puis il nous prévient qu’on va entrer dans du terrible, l'enfer ou quelque chose comme ça. Cela devient effectivement impressionnant. Le bruit, la hauteur d’eau, la puissance, la vapeur, tout nous submerge. Nous sommes complètement drachés.

    De retour à l’embarcadère, je découvre que je suis le seul à être autant mouillé sous la bâche que dessus mais avec le soleil cela sèche vite. Nous allons jusqu’au bout de la promenade, là où on se trouve au-dessus de la rivière Niagara juste avant qu’elle fasse le grand saut, vertige assuré et vague tentation de s’y jeter.

    C’est à ce moment que l’on se dit que ce serait une bonne idée de passer de l’autre côté de la rivière où l’on imagine qu’une promenade permet d’atteindre l’immense belvédère sans vraiment passer la frontière.

    *

    La rivière Niagara relie le lac Ontario au lac Érié. Nous sommes à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis. Toutes choses que l’on découvre sur place, n’ayant pas avant d’y venir la moindre notion géographique sur la région.

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